Deux poèmes de Valérie Tröndle...
En gobant la lune et le firmament
Je suis une petite fille
Et je me souviens
J'ai fait une fugue à l'usine un dimanche d'automne
L'usine, j'habitais à côté et je ne la connaissais même pas !
Je suis passée par dessus la grille derrière la maison et par le hangar aux fenwicks
Et je l'ai vue !
Enorme, béante, métallique et comme hantée avec le vent glacial qui soulevait ses voiles de plastiques , avec ses cliquetis de chaînes et de câbles, avec ses poumons d'acier tout brillants de graisse noire...
Je ne l'ai jamais dit à personne. C'est mon secret!
Je suis une petite fille
Et je me souviens.
Un cadre s'était garé devant le panneau de stationnement interdit de l'infirmerie, juste devant notre maison.
Mon père a eu une bonne idée et le cadre ne s'est jamais plus garé devant le panneau.
-Il faut rrrespecter les lois quand elles sont chustes, disait mon papa avec son accent suisse et en roulant les r comme un vrai bourguignon.
Je suis une petite fille
Et je me souviens
Des nuits de brouillard ou des feux d'artifices
Des corbillards et de bien des malices
D'une chasse à courre et de champs de blés
De jardins merveilleux
De la maison des ancêtres
Des concours de pêche
De la visite à Colombey
De l'Abbaye de Fontenay
Du vase de Vix et d'une princesse
Des feux follets et de Tom Sawyer
Des ouvriers coriaces
De la blouse blanche de ma mère
De toute la suie qu'a avalée mon père
Et du vin, du vin divin bourguignon
Et du vin divin qui souvent rend si crétin
Je suis une petite fille mais plus pour très longtemps
Je gobe la lune et le firmament
Je troque des plumes contre de faux diamants
Le long temps des éphémères
Je te dirai les vents de l'enfance
Et les tours des nuages
Les couleurs des rois mages
Et le sang des cristaux
Le temps suspendu
Les caches du rêve
Je te dirai des forces ouvrières
Et la tonte en bouteille
Les rires des pas sages
Et la larme en faucille
Le chant du carnaval
Des clowns tristes
Je te dirai les vents de l'enfance
Et des tours de passe-passe
Des douleurs de Poucette
Et des larmes d'ogre
Les trésors du canal
Une terre de métal
Je te dirai
Tout ce dont je me souviens
De ces temps où les éphémères
Se déplacent lentement
A la vitesse de la lumière
(Des commentaires sur le thème de l'article seraient les bienvenus, ils me montreraient que ce blog vous intéresse et ils me donneraient envie de continuer à l'alimenter .
Merci.)