"L'Orientalisme" une conférence de Marlène Gossmann pour l'Association Culturelle Châtillonnaise
Marlène Gossmann, docteure en Histoire de l'Art, a présenté dans le cadre de l'Association Culturelle Châtillonnaise de l'Université pour Tous, une très intéressante conférence sur "l'Orientalisme".
Pour cette conférence Marlène a choisi de nous présenter quelques peintres représentatifs de cette période picturale, parmi tous ceux qui s'y sont adonnés : John-Frederick Lewis, Eugène Delacroix, Théodore Chassériau, Prosper Marilhat, Alexandre-Gabriel Decamps, Eugène Fromentin et Gustave Guillaumet.
Elle a évoqué Ingres (qui ne s'est jamais rendu au Maghreb et au Moyen-Orient) et d'autres qui sont cités dans cet article de Wikipedia :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Orientalisme
En une heure trente, il fallait faire un choix, elle l'a fait en suivant ses préférences personnelles, choix qui a ravi ses auditeurs !
L'orientalisme fut un courant artistique qui se développa au cours du XIXème siècle,tant en peinture qu'en littérature.
Au Moyen-Âge, déjà les Croisades avaient permis de découvrir l'Orient, mais c'est après que Bonaparte soit allé combattre en Egypte en 1798, que ce courant orientaliste prit son essor.
Plus tard, la Grèce se libéra du joug turc. Le développement de la navigation maritime, des chemins de fer, l'ouverture du canal de Suez , la guerre de Crimée, permirent des voyages en Orient qui influencèrent les écrivains comme Flaubert et Hugo, mais aussi de nombreux peintres, séduits par les harems, les combats, les paysages.
(BaronAntoine-Jean Gros : Bonaparte à la bataille des pyramides)
Vivant Denon rapporta des documents, dessina, peignit et publia un ouvrage "Voyage dans la basse et la haute Egypte". Voici deux de ses dessins :
L'Egypte devint alors une destination prisée. L'anglais John Frederick Lewis se vêtit comme les Egyptiens pour pouvoir les peindre, sans se faire remarquer, avec un profond sens du détail, dans une atmosphère intimiste.
"Intérieur au Caire", couleurs et jeux de lumière sont éblouissants :
le "Scribe arabe du Caire" :
Prosper Marilhat pendant une mission scientifique en 1831, dessina des monuments, la végétation. Son travail fut un peu celui d'un photographe (la photographie n'existait pas encore) pour donner aux européens, à son retour, une idée des pays visités. Ses peintures montrent un beau travail sur la lumière. :
"Ruines de la mosquée du Calife Hakem au Caire" :
"Mosquée en basse Egypte" :
Eugène Delacroix avait une vision romantique de l'Orient, Sa peinture de "la mort de Sardanapale" fut réalisée avant son séjour au Maghreb :
En 1830, il se rendit au Maroc et fut fasciné par les paysages et les habitants. Il rencontra le Sultan Abd-Al-Rahmen et le peignit magnifiquement dans cette toile admirée par les critiques de l'époque.
L'esquisse de son tableau :
Delacroix se rendit compte qu'il ne pouvait planter son chevalet au Maghreb, les habitants étant un peu hostiles. Il utilisa donc un carnet dont les croquis lui servirent, plus tard, à son retour en France.
Delacroix peignit un très beau tableau intitulé "Femmes d'Alger" où il suggéra la sensualité de femmes dans le harem. Le travail sur la lumière est remarquable, les couleurs sont vives. Renoir qualifiera d'ailleurs cette œuvre de "plus beau tableau au monde".
Théodore Chassériau fut élève de Delacroix. Il peignit "la toilette d'Esther" avant de se rendre en Orient.
Chassériau fut ébloui par la richesse des couleurs, par la lumière des pays du Maghreb lorsqu'il s'y rendit. Il peignit ces "Juives au balcon" à Alger.( Il était plus facile de peindre des juives que des musulmanes qui étaient voilées et plus farouches). On remarque les couleurs très vives des robes et le ciel lumineux.
Chassériau , dans ces "danseuses marocaines,la danse aux mouchoirs", représenta des femmes aux robes colorées et nous les présenta, avec un arrière-plan plus terne, pour les mettre en valeur.
Dans ce tableau intitulé "chefs de tribus arabes se défiant au combat singulier sous les remparts d'une ville" le peintre passa du clair au foncé, de la terre à l'eau.
On voit la différence avec" la toilette d'Esther" des débuts !
Alexandre-Gabriel Decamps voyagea en Asie Mineure. Il sut saisir à merveille la vie quotidienne des Turcs, son pittoresque, le calme de ses habitants .
Decamps s'intéressa au peuple avec beaucoup de réalité, les couleurs douces qu'il utilisa furent à contre-pied de celles de Delacroix et de Chassériau. C'est un des plus grands orientalistes français nous dit Marlène Gossmann.
"Enfants turcs près d'une fontaine":
"Fumeur turc dans son atelier" :
"Laissez les garçons turcs hors de l'école" :
Eugène Fromentin fit partie de la seconde génération de voyageurs qui peignirent les pays du Maghreb. Il alla régulièrement en Algérie à partir de 1846, et représenta les moeurs des habitants du pays, le climat caractérisé par une chaleur écrasante. Dans cette peinture "Une rue d'El Aghouat", on ressent cette chaleur, on voit les charognards tourner autour du village. Le contraste est magnifique entre la partie brûlante et la partie froide du tableau.
Ici une très belle "Chasse au faucon en Algérie, la curée".
Gustave Guillaumet ne put se rendre en Italie à la Villa Médicis, mais par un concours de circonstance fortuit, il s'embarqua pour Alger avec un camarade. Ebloui par la beauté du pays qu'il découvrit, par sa lumière, il peignit les habitants, comme ici " La Seguia, près de Biskra" :
Il représenta la vie des hommes et des femmes simples, avec réalisme, comme ici "Les tisseuses à Bou-Saada" :
Mais Gustave Guillaumet fut surtout séduit par les régions du sud, le Sahara, où il nous montre ici "La prière du soir au Sahara", au déclin du jour. Ses couchers de soleil sont admirables.
Le travail de Guillaumet est subtil, remarquable, avec une grande économie de moyens. "Le Sahara" qu'il peint ci-dessous est intemporel. Est-ce un mirage, une oasis, une caravane qui est représenté à l'horizon du désert ? nul ne peut le dire...
La facilité pour se rendre dans les pays du Maghreb, du Moyen-Orient, fit décliner l'intérêt pour "l'orientalisme", qui disparut progressivement à la fin du XIXème siècle. Un renouveau apparut furtivement au XXème siècle avec Majorelle, Klee , Kandinsky.
Hélas tous ces artistes, et l'orientalisme, sont un peu oubliés aujourd'hui, c'est bien dommage.
Heureusement Marlène Gossmann les a fait revivre pour nous. Elle fut très applaudie par le public venu nombreux, merci à elle pour sa très grande érudition picturale qu'elle sait magnifiquement partager.
(Des commentaires sur le thème de l'article seraient les bienvenus, ils me montreraient que ce blog vous intéresse et ils me donneraient envie de continuer à l'alimenter .
Merci.)