"La Rose en flammes" au château de Rochefort...
Samedi 17 septembre a eu lieu, dans le magnifique cadre du château de Rochefort sur Brevon, un très beau spectacle qui a alterné chansons populaires et contemporaines, mélodies Renaissance, récits engagés…
Pour la quatrième année, Châtillon-Scènes a accueilli le festival Pierres Vivantes.
Robert Bensimon, le metteur en scène, a eu cette année, de nouveau pour complices, Corine Thézier, Claude Bornerie, et la soprano Lisa Levy qui était soutenue par Michel Rolland à la guitare.
Robert Bensimon nous confia que cinq personnalités qui ont su rendre à La Rose en flammes une vigueur nouvelle, seront évoquées : Paul Valet, René Char (poètes et résistants), Pierre Mendès France (aviateur dans les forces françaises libres), Charles Baudelaire (poète des Fleurs du mal) et Victor Hugo pour sa magnifique Rose de l’Infante.
Poèmes, chansons, pièces de guitare ont alterné, nous entraînant pour une promenade dans la roseraie de notre esprit...
Lisa Lévy, soprano à la voix d'or, nous fit chanter sur le perron du château, la si belle chanson de Charles Aznavour : Emmenez-moi...
Moi qui n'ai connu toute ma vie
Que le ciel du nord
J'aimerais débarbouiller ce gris
En virant de bord
Emmenez-moi au bout de la terre
Emmenez-moi au pays des merveilles
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil
Je fuirais laissant là mon passé
Sans aucun remords
Sans bagage et le cœur libéré
En chantant très fort
Emmenez-moi au bout de la terre
Emmenez-moi au pays des merveilles
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil...
Corine Thézier, Claude Bornerie, Robert Bensimon, Lisa Lévy interprétèrent avec l'assistance le si émouvant "Chant des partisans",
Quelle émotion...et l'évocation pour moi d'une très belle histoire qui eut pour cadre le château de Rochefort..Je vous la conterai bientôt...
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne ?
Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c'est l'alarme.
Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes.
C'est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères.
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère.
Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rèves.
Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève...
Ici chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait quand il passe.
Ami, si tu tombes un ami sort de l'ombre à ta place.
Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes.
Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute...
Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu'on enchaîne ?
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Après ce prologue plein d'émotion, les spectateurs se rendirent aux anciennes écuries du château, aimablement mises à la disposition du Festival-Pierres Vivantes, par monsieur le Marquis Emmanuel de Broissia.
Le Festival Pierres Vivantes évoqua tout d'abord René Char avec des poèmes de son ouvrage "Aux portes d'Aera", puis ce fut Paul Valet, avec des textes tirés de son livre "Soleils d'insoumission" .
À travers le mur de mes sens, je pressens d’autres emmurés vivants.
J’écris, c’est un mystère
Je vis, c’est un miracle
Depuis des siècles et des siècles, je crie : Au SECOURS !
On me répond : attendez votre tour.
(Paul Valet)
Quand Baudelaire chante l'amour que son pays a pour les Bohémiens, et combien Cybèle, la terre se réjouit qu'ils existent et de les abriter, il fait fleurir la plus belle des roses du spectacle, nous confie Robert Bensimon...
Bohémiens en Voyage (Charles Baudelaire)
La tribu prophétique aux prunelles ardentes
Hier s'est mise en route, emportant ses petits
Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits
Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes.
Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes
Le long des chariots où les leurs sont blottis,
Promenant sur le ciel des yeux appesantis
Par le morne regret des chimères absentes.
Du fond de son réduit sablonneux, le grillon,
Les regardant passer, redouble sa chanson;
Cybèle, qui les aime, augmente ses verdures,
Fait couler le rocher et fleurir le désert
Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert
L'empire familier des ténèbres futures.
Les roses de Saadi (Marceline Desbordes Valmore)
J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir.
Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ;
La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.
Michel Rolland assurait les transitions entre poèmes et chansons avec "hommage à Debussy" de Manuel de Falla, l'étude n°11 d'Heitor Villa Lobos, et la chanson de l'empereur de Josquin des Prés.
Il accompagnait aussi les chansons interprétées par Lisa Lévy..
La rue des rosiers (paroles de Sylvain Reiner, musique de Joël Holmès)
Il n'y a plus de roses
Dans la rue des Rosiers
Il n'y a plus de roses
Elles sont mortes en été.
C'était en plein marais
Une rue où grouillait
La vie belle et sa rage
Une rue qui sentait
Le hareng qu'on fumait
Et la folie des sages
Un bonjour se chantait,
Se riait, se criait,
Bonjour à la française
Un beau jour une affaire
Un beau jour une misère
Doux comme un lit de fraises
La rue des oubliés
La rue des émigrés
La rue des retrouvailles
Du Polac au roumain
Tous l'aiguille à la main
Trimaient pour leur marmaille
Il faut être malin
Pour garnir de cumin
Le pain noir, la volaille
Encore un bel été
Un mois de liberté
Avant que ça déraille.
Il n'y a plus de roses
Dans la rue des Rosiers
Il n'y a plus de roses
Elles sont mortes en été.
Que reviennent les roses
Dans la rue des Rosiers,
Que fleurissent les roses
Sur les anciens rosiers !
Mignonne (Pierre de Ronsard)
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.
Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.
Trois jeunes tambours s'en revenant
de guerre
Et ri et ran, ran pa ta plan.
S'en revenant de guerre.
Le plus jeune a dans sa bouche une rose
Et ri et ran, ran pa ta plan.
Dans sa bouche une rose.
Fille du roi était à sa fenêtre
Et ri et ran, ran pa ta plan.
Etait à sa fenêtre.
Joli tambour, donne-moi donc ta rose ! (bis)
Et ri et ran, ran pa ta plan.
Donne-moi donc ta rose !
Fille du roi, donne-moi donc ton cœur,
Et ri et ran, ran pa ta plan.
Donne-moi donc ton cœur
Joli tambour, demande-le à mon père,
Et ri et ran, ran pa ta plan.
Demande-le à mon père
Sire le roi, donnez-moi votre fille,
Et ri et ran, ran pa ta plan.
Donnez-moi votre fille
Joli tambour, tu n'es pas assez riche,
Et ri et ran, ran pa ta plan.
Tu n'es pas assez riche
J'ai trois vaisseaux dessus la mer jolie, (bis)
Et ri et ran, ran pa ta plan
Dessus la mer jolie
L'un chargé d'or, l'autre de pierreries,
Et ri et ran, ran pa ta plan
L'autre de pierreries
Et le troisième pour promener ma mie, (bis)
Et ri et ran, ran pa ta plan
Pour promener ma mie
Joli tambour, dis-moi quel est ton père,
Et ri et ran, ran pa ta plan
Dis-moi quel est ton père
Sire le roi, c'est le roi d'Angleterre
Et ri et ran, ran pa ta plan
C'est le roi d'Angleterre
Joli tambour, tu auras donc ma fille
Et ri et ran, ran pa ta plan
Tu auras donc ma fille
Sire le roi, je vous en remercie
Et ri et ran, ran pa ta plan
Je vous en remercie
Dans mon pays y en a de plus jolies,
Et ri et ran, ran pa ta plan
Y en a de plus jolies.
La rose de l'infante (Victor Hugo)
Elle est toute petite ; une duègne la garde.
Elle tient à la main une rose et regarde.
Quoi ? que regarde-t-elle ? Elle ne sait pas. L'eau ;
Un bassin qu'assombrit le pin et le bouleau ;
Ce qu'elle a devant elle ; un cygne aux ailes blanches,
Le bercement des flots sous la chanson des branches,
Et le profond jardin rayonnant et fleuri.
Tout ce bel ange a l'air dans la neige pétri.
On voit un grand palais comme au fond d'une gloire,
Un parc, de clairs viviers où les biches vont boire,
Et des paons étoilés sous les bois chevelus.
L'innocence est sur elle une blancheur de plus ;
Toutes ses grâces font comme un faisceau qui tremble.
Autour de cette enfant l'herbe est splendide et semble
Pleine de vrais rubis et de diamants fins ;
Un jet de saphirs sort des bouches des dauphins.
Elle se tient au bord de l'eau ; sa fleur l'occupe ;
Sa basquine est en point de Gênes ; sur sa jupe
Une arabesque, errant dans les plis du satin,
Suit les mille détours d'un fil d'or florentin.
La rose épanouie et toute grande ouverte,
Sortant du frais bouton comme d'une urne verte,
Charge la petitesse exquise de sa main ;
Quand l'enfant, allongeant ses lèvres de carmin,
Fronce, en la respirant, sa riante narine,
La magnifique fleur, royale et purpurine,
Cache plus qu'à demi ce visage charmant
Si bien que l'oeil hésite, et qu'on ne sait comment
Distinguer de la fleur ce bel enfant qui joue,
Et si l'on voit la rose ou si l'on voit la joue.
Ses yeux bleus sont plus beaux sous son pur sourcil brun.
En elle tout est joie, enchantement, parfum ;
Quel doux regard, l'azur ! et quel doux nom, Marie !
Tout est rayon ; son oeil éclaire et son nom prie.
Pourtant, devant la vie et sous le firmament,
Pauvre être ! elle se sent très grande vaguement ;
Elle assiste au printemps, à la lumière, à l'ombre,
Au grand soleil couchant horizontal et sombre,
A la magnificence éclatante du soir,
Aux ruisseaux murmurants qu'on entend sans les voir,
Aux champs, à la nature éternelle et sereine,
Avec la gravité d'une petite reine .[..]
La douce enfant sourit, ne faisant autre chose
Que de vivre et d'avoir dans la main une rose,
Et d'être là devant le ciel, parmi les fleurs.
Le jour s'éteint ; les nids chuchotent, querelleurs ;
Les pourpres du couchant sont dans les branches d'arbre ;
La rougeur monte au front des déesses de marbre
Qui semblent palpiter sentant venir la nuit ;
Et tout ce qui planait redescend ; plus de bruit,
Plus de flamme ; le soir mystérieux recueille
Le soleil sous la vague et l'oiseau sous la feuille.
"If my complaints"...une très belle chanson en anglais de John Dowland (1563-1626)
Ce fut une magnifique après-midi que nous proposa le Festival-Pierres Vivantes, avec sa soif de partage et de vie ensemble, sa volonté de vie solidaire, et d'un même bond, son refus d'une société morcelée, muselée, manipulée.
Madame Estrat, présidente de Châtillon-Scènes, l'association qui nous présente depuis très longtemps, des spectacles de haute tenue, remercia monsieur de Broissia pour son accueil chaleureux, les comédiens et le musicien pour leurs interprétations exceptionnelles, et le public attentif, venu très nombreux.
Michel Serex est le Vice-Président du Festival-Pierres Vivantes.Il évoqua l'ancien président qui nous a hélas quittés en mars dernier, Jean-Philippe Lecat, historien, qui fut Ministre de la Culture.Une très grande figure bourguignonne , actuellement remplacée à la tête du Festival-Pierres Vivantes par Pierre Carteret.
Amis spectateurs citoyens, quand nous seront partis, ce sera à vous de jouer..
(Robert Bensimon et Corine Thézier)
(Des commentaires sur le thème de l'article seraient les bienvenus, ils me montreraient que ce blog vous intéresse et ils me donneraient envie de continuer à l'alimenter .
Merci.)