"Les pressoirs anciens du Châtillonnais, un patrimoine viticole à redécouvrir" une très intéressante conférence d' Anne Bouhélier
Anne Bouhélier, viticultrice à Chaumont le Bois, a réalisé une étude fort intéressante sur les pressoirs du Châtillonnais..
C'est un mémoire qu'elle a soutenu dans le cadre de son diplôme Universitaire "Vin, Culture et Oenotourisme" à l'Université de Bourgogne.
Une étude importante qui n'avait encore jamais été menée en Bourgogne !
La Bibliothèque Municipale de Châtillon sur Seine nous a conviés, dans la salle des Conférences de l'Hôtel de Ville, à une passionnante conférence d'Anne Bouhélier sur ces fameux pressoirs.
Anne a évoqué l'existence des pressoirs depuis l'antiquité , et bien sûr le plus célèbre en France au 19ème siècle : le "pressoir Châtillonnais"..
En faisant des recherches dans le Grand Larousse, Anne Bouhélier avait découvert qu'à la section pressoirs, était mentionné un pressoir qui portait le nom de notre région.
Elle a donc fait des recherches approfondies sur la question, recherches qui lui ont offert bien des surprises..
Sur cette carte , on voit où se trouve le Châtillonnais, au nord de la Côte d'Or et au sud de la Champagne.
C'est dans ce Châtillonnais que va avoir lieu les 26 et 27 janvier la Saint Vincent Tournante des Crémants de Bourgogne.
Saint Vincent , nous dit Anne, est le patron des vignerons parce qu'il fut martyrisé sur un pressoir !
Dès l'antiquité, on pressait le raisin, on a retrouvé des traces de ce pressage sur des sites gallo-romains comme Selongey, mais c'est au Moyen-Age qu'apparaissent les premiers véritables pressoirs.
Les pressoirs étaient alors le monopole des abbayes. Les moines faisaient du vin pour plusieurs raisons : la liturgie, leurs besoins personnels et l'accueil des pélerins.
La noblesse , elle aussi possédait des pressoirs banaux, c'est à dire qu'elle en était propriétaire et en assurait l'entretien. Tous les vignerons étaient obligés d'aller y presser leur vendange et devaient verser au seigneur environ 12,5% de cette récolte. L'heure du passage au pressoir était réglementé, ce qui n'était guère pratique.
Il n'y a plus de ces pressoirs dans les villages, mais les lieux-dits rappellent leur existence.
On utilisait des pressoirs à levier ou à "abattage", de très grande dimensions, en chêne, sauf la vis centrale qui était en noyer, orme ou sorbier.
Le pressoir de l'abbaye de Molesme est encore visible, il est magnifique.
Le raisin était foulé dans un cuveau, puis on faisait une première pressée. On découpait ensuite plusieurs fois la masse compacte des raisins, pour faire 3 ou 4 pressées supplémentaires.
Dans la roue à écureuil, un homme actionnait le mécanisme.
Les pressoirs anciens ne subirent qu'une très lente évolution jusqu'à la Révolution, où ils furent souvent vendus comme biens nationaux.
Au XIXème siècle la surface des vignobles châtillonnais s'agrandit. De 1800 à 1860 la surface des vigne doubla, leur surface totale avoisinait les 3000 hectares (seulement 220 de nos jours !)
Mais la pénurie de bras se fit sentir, il fallait inventer de nouvelles façons de presser le raisin avec des appareils moins chers et qui nécessitaient moins de main-d'œuvre.
Le châtillonnais de cette époque était riche en forges qui utilisaient le minerai de fer local abondant et le charbon de bois issu de ses forêts.
Auguste Viesse de Marmont possédait de grandes forges à Sainte Colombe sur Seine qu'il modernisa en en faisant des forges à l'anglaise. On produisait donc du fer en quantité et on le transformait dans des ateliers à proximité. Marmont qui avait quelques vignes et "champagnisait" déjà son vin, confia la construction d'un pressoir à un serrurier, monsieur Poirier.
C'est grâce à la présence des forges du Châtillonnais qui travaillaient le fer , que le pressoir à vis métallique actionné par des engrenages fit son apparition un peu plus tard, inventé par un châtillonnais (originaire de Villedieu les Poëles en Normandie) mais installé à Châtillon comme serrurier-mécanicien : Amand-Lemonnier..
La maison et l'atelier d'Amand Lemonnier donnait d'un côté rue de Chaumont (actuellement rue Docteur Robert), et de l'autre du côté de la Seine.
Le nouveau pressoir inventé par Lemonnier, qu'on appellera "le pressoir Châtillonnais" est un pressoir à engrenages métalliques qui est seulement manœuvré par deux hommes qui actionnent les manivelles.
A cette époque, un pressoir pour un vigneron était un achat important, beaucoup ne pouvaient se l'offrir. Il existait donc des "pressureurs" qui passaient de villages en villages pour presser la vendange, avec des pressoirs châtillonnais locomobiles.
Le pressoir Châtillonnais eut un grand succès , il obtint de très nombreuses médailles aux expositions universelles : 13 médailles d'or, sans compter d'autres prix importants.
On peut d'ailleurs voir une maquette du pressoir Châtillonnais au Musée des Arts et Métiers, preuve de sa notoriété.
D'autres fabricants inventèrent des pressoirs très hétéroclites et compliqués, qui n'eurent jamais le succès de celui d'Amand Lemonnier.
Amand Lemonnier n'ayant qu'une fille, qui épousa un percepteur, n'eut pas de successeur, il s'associa donc à Amédée Nouvion.
Anne Bouhélier a essayé de retrouver des traces d'anciens "pressoirs châtillonnais", ce fut difficile, puisque ces pressoirs furent détrônés plus tard par un nouveau type de pressoir, le pressoir américain, qui n'était manœuvré que par...un homme !!
Quelques pressoirs et documents retrouvés :
Nicey :
Celui-ci a été restauré par la famille d'Anne Bouhelier à Chaumont le Bois.
ancien pressoir de Plombières les Dijon :
cave de Saint Antoine à Chablis :
Montliot et Courcelles :
Comme je le disais plus haut, un nouveau pressoir arriva sur le marché dans le dernier quart du XIXème siècle, le pressoir à levier multiple différentiel, connu sous le nom de pressoirs à cliquet, ou "pressoir américain", manœuvré par un seul homme.
Le Châtillonnais resta un pôle de construction de pressoirs avec trois constructeurs:Lhomme, Courtois et Rouot.
Le petit-fils d'Amand Lemonnier (le fils du percepteur !) , Célestin Courtois était ingénieur agronome, mais il devint le digne successeur de son grand-père en fabriquant lui aussi des pressoirs. Il avait épousé la cousine de Louis Cailletet. Son atelier se situait rue de la gare. Courtois déposa des brevets pour des mécanismes de pressoirs.
Su cette photo on voit à droite, Louis Cailletet, qui surveille le pressurage de la récolte de sa vigne à Mosson, vers 1900.
La ville de Châtillon sur Seine a fait installer des pieds de vigne sur le rond-point près de chez moi. Au centre on y a placé un pressoir...américain.
La famille Bouhélier a restauré un "pressoir Châtillonnais" et l'a présenté à la fin des vendanges 2009. On y a fait une pressée.
Pour terminer, une photo que j'ai prise au cimetière Saint Vorles : la tombe de la famille Lemonnier-Courtois :
François Gaillard, au nom de la Municipalité de Châtillon sur Seine a remercié Anne Bouhélier pour sa si intéressante conférence...
Un livre regorgeant de renseignements, de photos, sur le "pressoir Châtillonnais" (et les autres), écrit par Anne Bouhélier et publié par "Images en Châtillonnais", existe, vous pourrez vous le procurer à l'adresse ci-après...
Il est aussi disponible en prêt à la Bibliothèque Municipale.
http://pressoirs-chatillonnais.over-blog.com/
(Des commentaires sur le thème de l'article seront les bienvenus, ils me montreront que ce blog vous intéresse et ils me donneront envie de continuer à l'alimenter .
Merci.)