Pierre Potherat a écrit à Stéphane Bern au sujet de la destruction de notre petit patrimoine vernaculaire hydraulique
Châtillon-sur-Seine le 30mai 2018
Société Mycologique du Châtillonnais
entrechampagneetbourgogne-mycologie.fr
Contact : Pierre Potherat,
p.potherat@orange.fr, (06 21 88 38 53)
à Monsieur Stéphane Bern,
Chargé de mission pour la sauvegarde du patrimoine
Cher Monsieur Bern,
Le Président de la république vous a récemment confié une mission spéciale consacrée à la recherche de moyens financiers destinés à sauvegarder le patrimoine français en péril.
Nous vous avons entendu avec satisfaction et espoir quand vous avez déclaré que tout le patrimoine vous intéressait, y compris le petit patrimoine ou patrimoine vernaculaire.
Hormis le patrimoine mentionné habituellement (cathédrales, châteaux, abbayes…etc), notre région, le nord Côte-d’Or, partie intégrante du plateau de Langres, est particulièrement bien dotée en petit patrimoine en raison du grand nombre de ruisseaux et rivières y prenant naissance, tels la Seine et ses principaux affluents : Marne, Aube, Ource et Laignes…etc. Le plateau de Langres n’est-il pas considéré par les spécialistes géologues et hydrogéologues, comme le château d’eau du bassin parisien ?
Dès le Moyen Âge, ces rivières et ruisseaux, compte tenu de leur fort potentiel en énergie hydraulique, de la présence de bois en quantité ainsi que d’un minerai de fer aisément exploitable,ont vu fleurir sur leurs coursde nombreuses installations artisanales telles que des moulins, scieries, fonderies, forges et autres tanneries…
La construction de ces installations, à l’architecture souvent remarquable,s’est accompagnée de l’aménagement des cours d’eau au moyen d’astucieux systèmes de vannages, de biefs et de canaux destinés à acheminer l’eau jusqu’aux installations en question puis à la rendre à la rivière principale, contribuant ainsi à créer un entrelacs de rivières, chenaux, petites retenues et chutes d’eau, à fort potentiel patrimonial et touristique sur l’ensemble de la région.
Par ailleurs ces aménagements semblent avoir été extrêmement bénéfiques pour le peuplement des rivières comme nous l’enseigne la longue histoire de la truite châtillonnaise qui remonterait également au Moyen Âge.
Les rois de France de passage dans la région, de Charles VI à Louis XIV, se sont vus offrir le célèbre pâté de truites châtillonnais. François Ier, Louis XIII et Louis XIV l’ont tellement apprécié qu’ils ont fait repeupler à plusieurs reprises les étangs de Fontainebleau avec des truites prélevées entre Châtillon-sur-Seine et Mussy-sur-Seine.
Jusqu’au milieu du XXème siècle, quand la pêche commençait à devenir une activité de loisirs, toutes les rivières de la région étaient considérées comme des « spots » exceptionnels pour la pêche à la truite, au brochet et même à l’anguille.
Ces dernières années, notre association ainsi que la population locale se sont émues devant l'effacement et/ou l'absence d'entretien de quelques étangs aménagés à l'époque médiévale (début XIVème siècle) par les ducs de Bourgogne, en forêt domaniale de Châtillon, laquelle doit devenir l'un des cœurs du futur parc national des forêts de feuillus.
Ces étangs faisaient partie d’un ensemble unique en France de sept plans d’eau disposés en chapelet le long du ru du val-des-Choux, depuis la source située dans l’ancienne abbaye éponyme, jusqu’à la confluence avec l’Ource, soit sur un linéaire de seulement 5,5 km. Outre l’application très rigoriste de la directive européenne sur la « continuité écologique des cours d’eau », une des raisons principales avancées pour justifier l’absence d’entretien est le manque de moyens de l’ONF, gestionnaire des étangs.
Or, dans le même temps l’État engage des dépenses très importantes pour détruire le petit patrimoine que sont les vannages et chutes d’eau des anciens moulins, scieries, fonderies, forges et autres tanneries dont un grand nombre remonte au moins au XIIème siècle.
Cette campagne de suppression massive des anciens ouvrages, orchestrée et financée par les pouvoirs publics,va au-delà des recommandations de la directive européenne relative à la continuité écologique des cours d’eau et nous paraît sans fondement puisque, compte tenu de leur faible hauteur (inférieure à 2,5m),l’excellente qualité halieutique de nos rivières a toujours été de pair avec ces aménagements pluriséculaires jusqu’à leur abandon progressif, dans la deuxième moitié du siècle dernier.
Plus de 600 petits ouvrages, dont le plus grand nombre est encore en bon état ou, pour le moins, faciles à restaurer,ont été répertoriés dans le périmètre du futur parc national.A raison de 100 à 250 k€ nécessaires par ouvrage, leur suppression couterait près de 100 millions d’euros. Ce chiffre ne concerne que les vannages et seuils recensés dans le périmètre du parc national d’une superficie de 240 000 ha. Etendu à tout le territoire national, sur les ouvrages de même gabarit, le montant des travaux promet d’être colossal pour un résultat qui ne saurait être partout à la hauteur des objectifs fixés.
Nous espérons Monsieur Bern, que vous prendrez notre message en considération et que vous saurez œuvrer efficacement pour stopper la casse programmée de notre petit patrimoine. Nous pensons que l’argent ainsi épargné sera plus utile dans votre quête de moyens de sauvegarde.
Nous vous prions d’agréer, cher Monsieur Bern, l’expression de notre profond respect.
Pour la Société Mycologique du Châtillonnais :
Monsieur Luc Lefray, Madame Marie-Geneviève Poillotte
Président :lefray.luc@gmail.com
Présidente d’honneur :Marie.poillotte@gmail.com
Monsieur Pierre Potherat Vice-Président :
Monsieur François Poillotte Vice-Président de la Société Archéologique et Historique du Châtillonnais.
Les associations locales soutenant notre démarche sont les suivantes :
- Société Mycologique du Châtillonnais ;
- Société Archéologique et Historique du Châtillonnais ;
- Les Amis du Châtillonnais ;
- Bien Vivre à la Campagne ;
- Villages Anciens, Villages d’Avenir ;