Le colloque "La forêt dans tous ses états", proposé par la Société Archéologique et Historique du Châtillonnais, a tenu toutes ses promesses !
La récente création du Parc National de Forêts, situé à cheval sur les départements de Côte d'Or et de Haute-Marne, a fourni l'opportunité à la Société Archéologique et Historique du Châtillonnais (SA.H.C.) de mettre sur pied un événement culturel important pour la ville de Châtillon sur Seine, sa région :
le colloque sur :
"La forêt dans tous ses états"
Fort de cela, et avec la collaboration du Parc National de Forêts et le soutien de nombreux partenaires, l'occasion a été donnée par ce colloque de parler de l'histoire de la forêt depuis le Moyen-Age, ainsi que de son avenir.
Y ont été en effet évoquées les différentes formes d'usage de la forêt bourguignonne qui vont de son exploitation pour le gros œuvre, pour la sidérurgie, en passant par la chasse et les usages domestiques tels que le chauffage et le pâturage des animaux.
L'évolution des techniques d'études archéologiques de même que les avancées dans la connaissance des rapports entre les plantes et le monde fongique ont été également présentées.
L'avenir de la forêt, face aux enjeux du réchauffement climatique et au regard porté par notre société actuelle a fait l'objet de la table ronde finale.
Le colloque a été ouvert par le président de la S.A.H.C., François Poillotte...
En présence de
Roland Lemaire, Maire de Châtillon sur Seine
Jérémie Brigand, Président de la Communauté de Communes du Pays Châtillonnais
Valérie Bouchard, Conseillère Départementale de Côte d'Or
Un membre du Parc National de forêts
Eric Triboulet, membre de l'O.N.F.
Après l'ouverture du colloque, les conférences se succédèrent.
Yves Pautrat Conservateur en chef du patrimoine, Direction Générale des Affaires Culturelles de Bourgogne-Franche Comté, Service régional de l'archéologie, a présenté
"Trente ans d'Archéologie forestière dans le Châtillonnais"
Les forêts publiques du Châtillonnais figurent parmi les massifs forestiers français les mieux documentés d'un point de vue archéologique.
Explorées dès le XIXème siècle, puis par les membres de la S.A.H.C., elles ont fait l'objet de plusieurs programmes de prospections depuis une trentaine d'années.
La collaboration étroite d'archéologues et de forestiers O.N.F., Parc National) a permis l'exploration de vastes surfaces, d'abord avec des enregistrements G.P.S., au cours de prospections pédestres systématiques, puis par dépouillement d'un relevé LIDAR aéroporté.
Cette communication a présenté un historique de ces différents travaux, des techniques mises en œuvre et un aperçu de ses principaux résultats (parcellaires agricoles sous forêts, semis de tertres, habitats ruraux gallo-romains etc...)
Patrice Beck, Professeur Honoraire d'histoire médiévale à L'Institut de recherches historiques du Septentrion (RHIS), UMR 8529, Université Lille 3, a présenté :
"Défricher, préserver : les mutations des formes d'exploitation des forêts sur la montagne dijonnaise entre le XIème et le XIV ème siècle"
Depuis longtemps et partout, de savantes études sur le droit et les usages forestiers ont été menées, alimentées par une abondante documentation écrite associant coutumes générales et réglementations locales, débats contradictoires et répression des délits.
Les points de tensions entre les intérêts divergents des structures de production d'alors sont bien connus : entre usage commun et exploitation spéculative, entre extension de la clairière culturale nécessaire à l'alimentation humaine et la préservation des friches, landes et forêts utile à l'alimentation des animaux domestiques, à l'approvisionnement des chantiers en matériaux de construction comme des ateliers en matières premières et des foyers en combustible.
Toutes ces activités ont laissé des traces dans le paysage et leur étude pluridisciplinaire -archéo-géographique- permet aujourd'hui de renouveler et d'approfondir quelque peu le propos.
C'est à ce type de lecture, sur la frontière sud du Châtillonnais de part et d'autre du Val Suzon que s'est attachée cette communication.
Après la première série de conférences, le Député Hubert Brigand a félicité la SAHC pour la mise en place du colloque.
Il a annoncé une très bonne nouvelle : un étang (ou plusieurs) des Marots pourrait être remis en eau...non pas pour leur beauté (et pourtant !) mais parce qu'ils pourraient servir de réserve d'eau lors d'un incendie de forêt. La décision définitive sera prise prochainement.
La lutte de ceux qui soutenaient les étangs des Marots a payé !
Après un vin d'honneur, les intervenants, les auditeurs et les membres de la S.A.H.C. ont pu partager le déjeuner du samedi 13 mai :
Le repas a été préparé par un traiteur du Morvan, le traiteur initialement choisi (monsieur Janet d'Aisey sur Seine) s'étant désisté.
Le menu a été succulent et très agréablement présenté.
Persillé aux trois poissons (saumon, rouget, cabillaud)
Cuisse de canette aux baies de cassis, garniture maison
Des fromages de la région
Une charlotte aux fruits rouges et crème anglaise
Vin blanc de Mâcon
Vin rouge Pinot noir
Et café.
L'après-midi du samedi s'est poursuivie avec trois conférences.
Corinne Beck, Professeur émérite d'histoire et d'archéologie médiévales, Equipe "archéologies environnementales" UMR 7041 ARSCAN Nanterre a présenté :
"Entre forêt vivrière et forêt marchande : la dépaissance des animaux dans les espaces boisés en Bourgogne à la fin du Moyen Âge"
Le monde forestier médiéval est le lieu où se croisent animaux sauvages et animaux domestiques, activités cynégétiques et activités d'élevage.
De ce fait se superposent et s'opposent des enjeux et intérêts différents : conservation du grand gibier pour la chasse aristocratique ou nécessité de subvenir aux besoins et à la défense des cheptels paysans, exploitation usagère de ces milieux ou rentabilité des profits ?
La pratique de l'élevage en forêt est capitale pour l'équilibre économique de bien des exploitations paysannes.
Mais dans les forêts bourguignonnes et plus particulièrement ducales, le "pasturage" ou "vain pasturage", "champoyage" - la jouissance du pâturage en forêt par le biais de droits d'usage- est de plus en plus limité et le sera toujours plus au cours du XVème siècle au profit de la vente.
Cette évolution n'est pas sans incidences économiques et sociales sur le monde rural.
Denis Eve, Doctorant Université Paris Cité-Laboratoire I.C.T., a présenté :
"Le bois dans la sidérurgie cistercienne à l'époque moderne(XVIème, XVIIIème siècle) en Champagne méridionale et Bourgogne septentrionale"
Les abbayes cisterciennes tiennent un rôle majeur dans l'histoire de la sidérurgie en Champagne et Bourgogne depuis le XIIème siècle.
Cette activité utile pour la construction des monastères devient rapidement une source de revenus.
Les cisterciens participent au développement de la métallurgie du fer avec l'utilisation des premiers marteaux hydrauliques, puis au XVème siècle avec l'adoption du procédé indirect.
Ce dernier bouleverse le patrimoine cistercien, c'est la "révolution du haut-fourneau" comme le titre Jean-François Belhoste.
Elle change le niveau d'exploitation des matières premières dont les besoins sont alors décuplés.
L'une d'entre elles prend une place prépondérante : le bois.
Il est utilisé comme matériau de construction et surtout comme énergie thermique sous forme de charbon de bois.
Il permet ainsi de valoriser les vastes domaines forestiers des abbayes cisterciennes.
Cette présentation a visé à montrer comment l'adoption du procédé indirect modifie la gestion des forêts cisterciennes et les valorise du XVIème au XVIIIème siècle à travers les exemples des abbayes de Clairvaux, La Crête, Auberive et Longuay.
Xavier de Massary, Conservateur Général, Ministère de la Culture-Délégation à l'Inspection, à la recherche et à l'innovation-Paris a présenté :
"L'exploitation de la forêt d'Arc-Châteauvillain, à l'époque du Comte de Toulouse et du Duc de Penthièvre (1700-1793)"
En 1700, le comte de Toulouse (1678-1737), fils légitimé de Louis XIV et de la marquise de Montespan, acquiert le duché de Châteauvillain, à cheval sur les provinces de Bourgogne et de Champagne.
La ressource principale de ce domaine est sa forêt de plus de 20 000 arpents (dix mille hectares), malheureusement à l'écart de cours d'eau qui permettraient d'en écouler les produits vers la capitale.
Aussi, comme pour bien d'autres forêts de cette région depuis le XVIème siècle, la solution retenue est celle de transformer ses taillis en charbon de bois pour alimenter les hauts-fourneaux et les forges.
Pour cela la forêt est arpentée et aménagée des 1708 en sept séries, divisées en coupes annuelles et affectées chacune à une usine établie dans une des localités riveraines, le tout loué à des maîtres de forge.
Parallèlement, alors que la forêt, ruinée lors de son acquisition, ne comportait plus de gros bois propres aux travaux de charpente et de menuiserie, des réserves d'arbres de fûtaie sont progressivement reconstituées par les officiers du duc de Penthièvre(1725-1793), dont la vente annuelle va représenter, à la fin du siècle, près de 50% des recettes du duché, preuve d'une bonne gestion.
La mise en place de routes et de layes forestières et l'amélioration des moyens de communication dans les deux provinces, avec l'établissement de nouvelles routes et ponts, va permettre d'écouler ces produits à l'extérieur, le véritable désenclavement devant néanmoins attendre l'arrivée du chemin de fer sous le second Empire.
Dans la soirée, les intervenants et les auditeurs pouvaient participer à la visite du Musée du Pays Châtillonnais, lors de la Nuit des Musées.
Dimanche 14 mai 2023
Marius Doridot, Ingénieur géologue, géotechnicien du réseau des laboratoires des Ponts et Chaussées, retraité a présenté :
"La télédétection,un moyen d'investigation en espace couvert : application à l'étude du parcellaire ancien"
Le couvert végétal forestier est un handicap et une difficulté pour toute observation du sol et du proche sous-sol sous-jacent.
En même temps, cette végétation a permis de protéger et de sauvegarder un patrimoine historique important et souvent ignoré.
La télédétection, de la simple photographie aérienne aux outils plus sophistiqués tels que le radar à balayage latéral, est un instrument d'observation remarquable pour améliorer nos connaissances d'un milieu bien souvent difficile d'accès.
Daniel Wipf professeur à l'Université de Bourgogne (biologie et physiologie végétale) à présenté :
"Le bonheur des plantes est sous nos pieds"
Les plantes ont colonisé le milieu terrestre en s'associant notamment avec des microbes du sol.
La symbiose la plus répandue dans le monde végétal est la mycorhize formée entre les racines et des champignons du sol.
Cette symbiose a été décrite pour la première fois en 1885, par le botaniste allemand Frank.
Ces champignons sont, pour les plantes des alliés fantastiques.
La conférence a présenté à travers plusieurs exemples les avancées de la recherche scientifique concernant la mycorhize et son rôle potentiel dans une agriculture durable.
Le déjeuner du dimanche, toujours préparé par Morvan-Traiteur se composait de :
Terrine de melon à l'orgeat, magret fumé et vinaigrette à la mangue
Blanquette de veau à l'ancienne
Fraisier et coulis de fruits rouges
Les vins étaient les mêmes que la veille, et pour finir un café.
La table ronde finale avait pour thème l'avenir de la forêt.:
L'animation a été réalisée par Philippe Bertrand, journaliste.
Ont débattu :
Régis Michon, directeur territorial de l'O.N.F. pour la région Bourgogne-Est
Jacques Rousselin : gestionnaire de forêt
Anne-Catherine Loisier, Sénatrice de Côte d'Or, Représentante de la Fédération Nationale des Communes Forestières
et Philippe Puydarrieux, Directeur du Parc National de Forêts
Beaucoup de thèmes ont été abordés : le dérèglement climatique qui affecte les hêtres, moins les chênes, les sécheresses qui peuvent provoquer des incendies, les insectes ravageurs, la chasse et les dégâts liés aux gibiers, la fréquentation des forêts du parc par les visiteurs qui montre l'intérêt des citoyens pour la nature. Tous ceux qui travaillent en relation avec les forêts devront s'adapter aux changements futurs du climat, devront penser à planter d'autres essences, car le bois est une solution pour l'avenir (construction de maisons)
La prise de conscience doit être nationale et locale, tout le monde politique devra se mettre autour de la table et en discuter sérieusement.
De nombreuses questions ont été posées elles ont eu des réponses données par les intervenants.
Le Directeur du Parc a remercié la Société Archéologique et Historique du Châtillonnais pour avoir proposé et organisé le colloque "la forêt dans tous ses états", il a félicité les conférenciers pour leurs remarquables interventions.
Après la table ronde, une visite de l'église Saint-Vorles était proposée, conduite par Dominique Masson.
Pendant la tenue du colloque, une exposition très intéressante et variée dont le thème a épousé celui de la forêt, se tenait dans la grande salle Luc Schréder, exposition présentée par des artistes, artisans, producteurs de la région et associations.
Des images demain.