Le Docteur Paul Robert, un grand Résistant Châtillonnais...
J'ai reçu dernièrement un mail très émouvant : celui de Guillaume Robert, petit fils du Docteur Paul Robert.
Voici ce qu'il me disait :
Je m’appelle Guillaume Robert, fils de Georges Alain Romuald Robert, lui même fils du docteur Paul Robert.
Merci pour le compte rendu sur la Cérémonie d’hommage à Essarois.
Pour info (morbide), sur l’acte de décès de la Gestapo (mes parents ont la copie), il est écrit que mon grand père a été écartelé avant d’être achevé d’une balle dans la tête.
Suite au décès de mon oncle (86 ans), également fils du Docteur Paul Robert, il y a quelques jours, je me suis mis quelque peu en tête de rechercher des informations sur ma famille et notamment mes grand parents paternels que je n’ai pas connus (morts en 1944 et 1945). Le sujet reste douloureux même à 82 ans pour mon père et c’est très dur d’en parler avec lui.
Auriez vous des pistes à me donner ?
Je vous en remercie beaucoup par avance si vous aviez quelque chose,
Bien cordialement,
Guillaume
J'ai bien sûr transmis ce mail à Michel Diey, et ce dernier a adressé à Guillaume Robert un texte nécrologique qui a été écrit après la mort de son grand-père.
Comme il m'en a transmis le double, j'ai pensé qu'il serait bon d'évoquer cette grande figure de la Résistance Châtillonnaise que bien des gens ne connaissent que par un nom de rue: "la rue Docteur Robert"
Voici donc la vie de Paul Robert:
NÉCROLOGIE DU DOCTEUR ROBERT parue dans le Bulletin du Conseil départemental des médecins de la Côte d’Or en décembre 1944.
Docteur Paul Robert (1904-1944), Châtillon-sur-Seine.
Paul Robert naquit le 12 septembre 1904, à La Réunion, et vint tout jeune en France, où il fit toutes ses études secondaires et médicales. Il termina ces dernières par un séjour à l'Hôpital Saint-Michel de Paris, où il fut interne de Victor Pauchet. Le hasard des remplacements qu'il eut à faire comme étudiant lui fit connaitre un poste libre à Laignes, où il s'installa au début de 1930.
Très rapidement, la clientèle afflua vers ce jeune médecin sympathique, toujours aimable et souriant, et doté de très solides connaissances professionnelles. Sa renommée dépassa vite les limites du canton de Laignes et, le succès aidant, i1 créait, quelques années plus tard, un cabinet à Châtillon-sur-Seine et ne tardait pas à s'y installer complètement. -
Les clients se pressaient en foule à sa consultation, tandis que des appels continuels à la campagne faisaient qu'on le voyait nuit et jour sillonner les routes. Grand et fort, il supportait allègrement, avec quelle joie, cette fatigue quotidienne.
Mais malgré sa vie débordante d'activité, le docteur Robert ne perdait pas de vue les graves problèmes de 1'entre-deux-guerres. Militant d'un parti national, il fut comme tel élu conseiller d’arrondissement du canton de Laignes. La mobilisation de 1939 le trouva prêt à accomplir son devoir. Médecin lieutenant dans une ambulance chirurgicale dans les Vosges, il nous revint après la débâcle plus confiant que jamais dans l’avenir de son pays.
Il reprit sa vie professionnelle toujours avec autant d’activité, malgré les perturbations et la gêne apportées par l’occupation ennemie. Il fut un des premiers dans le Châtillonnais à s’occuper de la Résistance. Il fut un des premiers médecins du maquis, allant la nuit soigner ceux qui n’osaient pas encore sortir des bois. Il réussit toujours à passer à travers les mailles de l’occupant, à soigner et évacuer ses blessés sur l’hôpital.
Mais le 13 octobre 1943, lors d’une opération de police de grande envergure, faite par les Allemands à Châtillon, Paul Robert fut arrêté brutalement chez lui au petit jour et fut relâché au bout de quinze jours de prison, faute de preuves. Je revois encore la petite réunion qui fêtait son retour ainsi que celui d’un autre confrère châtillonnais, également emprisonné. Tous les confrères de la ville, réunis en une sorte d’union sacrée, exempte de soucis et de dissentiments professionnels, autour de nos deux libérés. Robert, après quelques jours de repos, reprit son activité professionnelle et maquisarde. Il fut vraiment l’organisateur du service sanitaire de l’armée de la Résistance dans le Châtillonnais.
Et ce fut le 6 juin : je le revois encore ce matin-là à l’hôpital, où il était venu assister à une intervention chirurgicale d’un de ses clients ; le cœur gonflé d’espoir il me décrivait les forces massées dans la forêt voisine, il me parlait des projets d’attaque de la ville par la résistance et le jour même il partit avec sa petite voiture pour le camp, sûr de la victoire. Je le revis encore le jeudi 8 juin ; il était redescendu du camp pour revoir quelques clients de la ville ; il repartit le soir en donnant quelques rendez-vous pour le lendemain ; il ne devait plus revenir. Entre temps, les Allemands venaient en force, cernaient la forêt et massacraient tous ceux qui ne réussirent pas à s’échapper.
(Photo transmise par Jean-Michel Mars)
Un officier, le capitaine Jacques, qui était dans le même groupe de résistance que le docteur Robert, donne les renseignements suivants sur ses dernières heures :
« Le maquis de la forêt de Châtillon se forma le 6 juin. Le docteur Robert fut chargé d’organiser le service médical avec le docteur Bourée, tous deux assistés du pharmacien Moureau. Le maquis, comprenant 430 F.F.I., étant menacé d’être attaqué, le 9 juin, par les Allemands, le docteur Robert décida de rester avec nous. Le 10 au matin, il soigna les blessés. Dans l’après-midi, il suivit la colonne pour l’évacuation de cette forêt. A une heure du matin – après une marche d’une dizaine d’heures sous bois – en le soutenant sous les bras, le commandant de Pougnadoresse ainsi que des soldats l’entraînèrent. Nous traversâmes la route nationale 71, entre Buncey et Chamesson. A 50 mètres de cette route, dans un chemin creux, le docteur Robert me proposa de passer la nuit à Ampilly ou à Buncey. A l’instant même nous fûmes surpris par le feu d’armes automatiques placées à 50 ou 100 mètres de là et n’eûmes pas le temps de parlementer avec le commandant qui emmena la colonne dans la direction prévue. Dans la nuit, je ne retrouvai plus le docteur Robert, qui dut suivre un groupe isolé composé de jeunes de Buncey et qui se dirigea sur ce village même. Il serait resté avec un blessé. En effet, le lendemain, à côté du blessé qui avait succombé, on a trouvé une ampoule de sérum et à une dizaine de mètres de là le révolver du docteur, ce revolver avait le canon peint en rouge. Ma femme vit elle-même le docteur traverser le village de Buncey devant les soldats armés. « Il avait l’air très fatigué », me dit-elle plus tard. « De Buncey, les Boches l’emmenèrent dans un car au lieu du martyre. »
Transporté par les gens du village dans la petite église d’Essarois, son corps mutilé fut ramené le lendemain à Châtillon. Le mercredi 14 juin, toute la population châtillonnaise, si elle n’avait pas eu le droit de suivre son cercueil, était tout au moins massée dans le cimetière au milieu d’une profusion de fleurs.
Le docteur Robert disparaissait, hélas ! sans avoir vu la libération de Châtillon-sur-Seine pour laquelle il avait tant fait et qui eut lieu le 9 septembre 1944, trois jours avant la date de son quarantième anniversaire.
Voici la stèle, érigée à Essarois, à la mémoire du docteur Robert et de ses compagnons.
En haut : Albert Dechand, Gaston Ollier
En bas: René Jaubert, Philippe Drouhin, Paul Robert
(photos transmises par Jean-Michel Mars)
Le Comité de Libération de la ville a décidé de donner le nom du docteur Paul Robert à l'ancienne rue de Chaumont, honorant ainsi de façon insigne la conduite de notre regretté confrère mort face à l’ennemi, dans l’accomplissement de son devoir de médecin.
Le docteur Paul Robert a été inhumé au cimetière Saint Jean, voici sa tombe :
Guillaume Robert, le petit-fils du Docteur Robert est un graphiste de grand talent, vous pourrez consulter ci-dessous son port-folio:
http://gig.ultra-book.com/portfolio