Les élèves de troisième du Collège Fontaine des Ducs ont découvert ce qu'était la Déportation durant la seconde guerre mondiale
Mardi 28 mars, les élèves de 3ème du Collège Fontaine des Ducs de Châtillon sur Seine étaient réunis salle Kiki de Montparnasse.
Tous attendaient avec impatience une rencontre avec d'anciens Résistants déportés et filles de déportés qui allaient les informer sur ce que fut la Déportation par les nazis durant la seconde guerre mondiale.
En attendant la venue des intervenants, leurs professeurs d'Histoire leur rappelèrent la situation de l'Europe avant la seconde guerre mondiale: la guerre d'Espagne fut le prélude du conflit, la montée du nazisme en Allemagne flatta les bas instincts.
Durant l'occupation des Juifs furent déportés par les nazis, mais aussi des Résistants.
Deux de ces déportés, issus de notre département, sont encore vivants : Pierre Jobard déporté à Auschwitz, et Henri Mosson, déporté au Struthof, deux filles de déportés pourront aussi témoigner. Ce sera une chance pour les élèves de pouvoir écouter et poser des questions sur la déportation.
Madame Florence Cottet, Principale adjointe a annoncé la venue d'Henri Mosson, et de mesdames Gien et Elloy, filles de déportés.
Henri Jobard, souffrant n'a pas pu venir.
Madame Gien est la fille d'un résistant déporté à Dachau.
Son père était cheminot, il trafiquait les pièces métalliques des convois et distribuait des tracts dans les boîtes aux lettres.
Il fut dénoncé, arrêté puis conduit à la Gestapo qui se trouvait rue docteur Chaussier à Dijon . Il fut torturé et emprisonné à Dijon, puis conduit à Compiègne.
Le 2 juillet 1944, il fut transporté à Dachau, en compagnie de déportés politiques , homosexuels etc..... et fut affecté à la confection de béton.
Après sa libération, il resta très longtemps muet sur ce qu'il avait vécu, il fit des cauchemars où il revivait les horreurs qu'il avait subies et vues.
Il a fallu l'insistance de sa fille pour, qu'à la fin de sa vie, il puisse lui faire des confidences.
Madame Françoise Elloy, elle aussi fille de déporté, est secrétaire générale du Comité du concours National Scolaire de la Résistance et de la Déportation.
Elle a rappelé que le Châtillonnais fut une grande terre de Résistance, en témoigne l'existence du Monument de la Forêt, puis elle présenta Henri Mosson, qui fut déporté au Struthof. et qui est dans sa centième année.
Avec une mémoire fabuleuse, une facilité à s'exprimer, et un sens de la répartie incroyable, Henri Mosson, presque centenaire, subjugua l'assistance avec son récit très émouvant.
Henri Mosson habitait à Boux sous Salmaise, où ses parents étaient agriculteurs. Lors de l'invasion allemande, les nazis réquisitionnèrent la ferme et volèrent tout ce qu'elle contenait.
Très en colère Henri Mosson, alors âgé de 17 ans, décida de s'opposer à l'ennemi. Avec d'autres résistants, sa mission était de saboter les wagons de grains qui devaient partir en Allemagne : des trous étaient forés avec une tarière, rebouchés de manière à ce que, lors de la marche du train, le bouchon sautait et le grain s'écoulait sur les voies.
Il fit ainsi du sabotage durant un an et demi, mais fut dénoncé, comme hélas cela arrivait souvent, par des français, et arrêté le 5 mai 1943, à Villotte sur Seine par la Gestapo.
Le fils d'Henri Mosson, Bernard, a projeté des diapositives durant le récit de son père.
Voici la photo d'Henri Mosson en 1942 :
Ses cartes de combattant obtenues après son retour de déportation.
et la photo de son fusil mitrailleur que lui avait fourni son groupe de maquisards.
C'est à cause de la possession de cette arme qu'il fut condamné à mort.
Une question se pose alors : pourquoi ne fut-il pas exécuté par les nazis après sa condamnation ?
Henri Mosson nous explique alors que les nazis disaient que si des gens étaient fusillés, ils devenaient pour leurs copains des martyrs. Pour éviter cela, leur idée était de transformer ces prisonniers en "Nacht und Nebel", c'est à dire "Nuit et Brouillard", en abrégé "N.N.", déportés, ils pouvaient ainsi mourir, très loin de France, en toute discrétion.
Henri Mosson devint donc un N.N., numéro 6290.
Après son arrestation, où il fut torturé abominablement, il fut enfermé à la prison de Dijon, puis conduit à la prison du Cherche-Midi à Paris, boulevard Raspail et ensuite au fort de Romainville
Avec ses compagnons d'infortune, il monta dans un wagon 3ème classe (pas un wagon à bestiaux, ce qui fut le cas pour les juifs), qui arriva à la gare de Rothau.
(A noter que Rothau est actuellement en France, mais en 1943, elle était en Allemagne, l'Alsace étant allemande depuis 1870)
A l'arrivée à Rothau, la violence nazie se déchaîna : les S.S. attendaient les N.N. avec des chiens et des matraques, et les conduisirent au camp de Natzweiler du Struthof..
Les N.N. furent dépouillés de leurs vêtements, rasés, désinfectés et munis de vêtements civils (pas de tenues rayées comme à Auschwitz, Dachau etc....) mais peints au dos d'une cible...facile à atteindre d'un coup de fusil si un N.N s'échappait.
Les S.S. les firent travailler dans un tunnel : réveillés à 4h du matin, avec seulement un bol de "café" (qui n'en était pas), nourri avec des soupes de feuilles de betteraves....en un mois Henri Mosson perdit 30 kilos
Le Struthof est un camp en hauteur, un terrain boueux qu'il fallait grimper pour dégager la neige et remonter les cendres des fours crématoires qui étaient épandus dans les jardins des villas des SS.
Sans nourriture, sans médecins...la durée de vie d'un NN était de 90 à 100 jours, à leur mort ils passaient par le four crématoire.
Malgré des conditions épouvantables, Henri Mosson qui avait une bonne santé, résista jusqu'à la libération du camp par les américains.
Néanmoins il avait le typhus, et donc fut emmené au bord du lac de Constance pour être soigné pendant trois semaines.
Le retour fut difficile : plus de papiers, il fallut qu'il s'inscrive à Mulhouse, il fut ensuite rapatrié chez un oncle à Belfort, et revint à Boux sous Salmaise en transitant par la Haute Marne.
Comme il nous le répète "la Liberté n'est chère qu'à celui qui l'a perdue"
A son retour, Henri Mosson fut plusieurs fois décoré.
Après ce témoignage sidérant, les élèves posèrent des questions : Y eut-il des évasions ? Sait-il qui l'a dénoncé ? et d'autres encore auquel Henri Mosson répondit avec force.
Henri Mosson répondit à toutes les questions avec une aisance, une finesse et une mémoire incroyable.
Les élèves de troisième, qui vont se rendre au camp du Struthof bientôt, ont été très impressionnés par son témoignage, on les comprend.
Ils ont désiré poser pour une photo souvenir...
et une autre avec mesdames Gien et Elloy.