Une conférence de Jean-Luc Liez sur Claude Bornot, sculpteur qui a réalisé la superbe "mise au tombeau" de l'église Saint-Vorles
La Société Archéologique et Historique du Châtillonnais a organisé une conférence, évoquant, entre autres, une sculpture que les habitants de Châtillon sur Seine connaissent bien, je veux parler du superbe et magnifique sépulcre qui se trouve actuellement dans l'église Saint-Vorles de Châtillon sur Seine.
Sépulcre dont personne, jusqu'à présent ne connaissait l'auteur !
Dominique Masson a présenté le conférencier.
Jean-Luc Liez, docteur en histoire de l’art et chercheur associé à l’Université de Lorraine, est un spécialiste de la sculpture champenoise de la fin du Moyen-Âge et du début de la Renaissance.
Il a pu, en prenant appui sur de nombreux critères stylistiques, attribuer à Claude Bornot, sculpteur campano-bourguignon, né à Bar sur Seine, qui a vécu vers 1480- 1545. la réalisation du sépulcre conservé dans l’église Saint-Vorles de Châtillon sur Seine.
Au terme de sa recherche sur ce sculpteur, il a attribué une quinzaine d’œuvres à cet artiste, qui a excellé dans des œuvres de grande dimension, notamment les "Mises au tombeau".
Claude Bornot avait épousé une châtillonnaise, Jeannette Legrand, et il bénéficia du mécénat de la famille de Guise, seigneur de Joinville, en Haute Marne.
Il est aussi l'auteur du superbe sépulcre de Joinville (52), de celui des Riceys-Bas (malheureusement en très mauvais état et mal restauré), de celui de Montier-la-Celle que j'avais photographié au musée Vauluisant de Troyes :
et aussi de nombreuses sculptures à Chaource, à Mussy, à Troyes et peut être encore d'autres qui ne lui sont pas encore définitivement attribuées.
Voici la superbe mise au tombeau de l'église Saint-Vorles de Châtillon sur Seine. Ce sépulcre était autrefois placé dans la chapelle du couvent des Cordeliers de Châtillon.
Nous savions, depuis toujours, que ce magnifique ensemble de sculptures, appelé aussi "Déploration" avait été commandé par le sire Edme Régnier de Romprey et son épouse Jeanne de la Ferté, mais nous n'en connaissions pas l'auteur.
Grâce aux recherches extrêmement poussées de Jean-Luc Liez, nous pouvons à présent connaître le nom de son génial sculpteur, Claude Bornot.
Jean Luc Liez nous fait remarquer que la base du tombeau est composée de deux parties, on voit en effet une fente au centre du sarcophage. Cette fente est un mystère.
Le Christ est représenté avec la bouche ouverte, comme à Joinville et aux Riceys-Bas, ce qui signifie l'espoir de la résurrection.
En bas du sarcophage sont représentés les apôtres de Jésus-Christ.
Saint-Jean -Baptiste soutient la Vierge avec un geste protecteur, que l'on retrouve dans le sépulcre de Joinville, mais aussi dans celui de l'église de Riceys-Bas.
Marie-Madeleine est vêtue d'une robe avec une sorte de corset très serré, un manteau attaché avec un nœud noué au niveau des cuisses. Ce manteau retombe en plis très harmonieux.
Ces éléments, nous dit le conférencier, corset, noeud, plis, et parfois retroussis, sont la "signature" de la sculpture de Claude Bornot.
Marie Cleophas possède un autre élément "signature" de Bornot : ce sont ses cheveux épais et tressés.
On retrouve sur la statue de Marie Salomé le nœud volumineux, caractéristique du sculpteur, un autre nœud moins épais et les volantés si fins des manches, quelle finesse d'exécution...
Certains auteurs ont pensé que le visage de Joseph d'Arimathie était peut-être celui du sculpteur !
Claude Bornot aime aussi sculpter des barbes bien fournies, comme celle de Nicodème.
Les donateurs qui ont commandé le sépulcre à Claude Bornot sont agenouillés, il s'agit du Sire Edme Régnier de Romprey et de son épouse née Jeanne de la Ferté.
Ils ont sans doute désiré être représentés, revêtus d'humbles vêtements, et de plus petite taille que les autres personnages.
Deux soldats gardent le tombeau du Christ, celui-ci est un porte-flambeau...
Le soldat à la cotte de maille, appelé "le colérique" par le conférencier, porte des vêtements dont les manches traduisent l'influence italienne du XVème siècle
D'autres sépulcres sont attribués à Claude Bornot, comme celui de Joinville (Haute Marne) (Photo Wikipédia).
Le personnage de droite, Joseph d'Arimathie a dû être ajouté à une autre époque, le grain de la pierre et le style de sculpture est un peu différent.
On remarque le geste protecteur de saint-Jean pour la Vierge.
Dans la collégiale Saint-Pierre-es-Liens de Mussy j'avais remarqué cette superbe sainte Marie Madeleine, sans penser qu'elle aurait pu être sculptée par celui qui avait réalisé le sépulcre de Saint-Vorles.
Pourtant maintenant les détails sautent aux yeux : corset bustier très serré, nœud au niveau des hanches, plis harmonieux du vêtement, mèches de cheveux bouclés tombant sur les tempes.
On observe des similitudes avec la Marie-Madeleine de Saint-Vorles...
Dans l'église Saint-Jean-Baptiste de Chaource, j'avais photographié ce retable dit "de la Passion", sans imaginer non plus qu'il avait été sculpté par Claude Bornot !
Je n'ai malheureusement pas isolé les deux statues de Claude Bornot qui sont en haut, des deux cotés du retable, à gauche la Vierge au rameau fleuri et à droite saint-Jean-l'Evangéliste, je retournerai à Chaource pour les photographier, elles sont splendides.
Le retable de la Passion de Claude Bornot, se compose de trois parties, à gauche l'arrestation de Jésus, au centre la crucifixion, à droite la Résurrection.
La partie centrale possède une particularité : on voit un personnage qui , monté sur une échelle, porte le deuxième larron, pour le crucifier.
Jean Luc Liez pense que les sculpteurs de l'époque de Bornot, s'inspiraient de tableaux, surtout italiens, qui ont plusieurs fois représenté une scène semblable.
Jean-Luc Liez a écrit un livre sur Claude Bornot, relatant toutes ses recherches, illustré de magnifiques photographies.
Pierre Potherat nous l'a présenté.
Voici sa couverture :
Jean-Luc Liez a été très applaudi pour ses phénoménales recherches qui ont permis de retrouver le nom d'un sculpteur qui avait été perdu.
Il a rendu à Claude Bornot un hommage bien mérité, mieux vaut tard que jamais.
J'espère pouvoir me rendre un jour à Joinville pour admirer l'autre mise au tombeau de Claude Bornot et je retournerai à Chaource.
NB : Si des statues de Claude Bornot sont visibles dans l'église Saint-Jean-Baptiste de Chaource, la mise au tombeau de cette église est attribuée au "Maître de Chaource", son style, également magnifique, est assez différent de celui de Claude Bornot, à voir dans cet article :
http://www.christaldesaintmarc.com/le-sepulcre-de-l-eglise-saint-jean-baptiste-a-chaource-a130912320