Le sépulcre de Saint-Vorles a inspiré Michel Lagrange...

Publié le 30 Août 2010

Michel Lagrange, grand poète Châtillonnais, m'a fait l'honneur de me confier un des poèmes qu'il a écrit, inspiré par la vue du très beau sépulcre de l'église Saint-Vorles...

(cet article date de 2010, je le publie de nouveau, après la conférence de Jean-Luc Liez sur Claude Bornot, l'auteur de cette mise au tombeau extraordinaire dont personne à cet époque ne connaissait le nom)

-Les Amis du Musée

Voici ce qu'il nous dit de l'inspiration qui l'a saisi devant cette magnifique mise au tombeau..

Ce texte, écrit en face de la mise au tombeau de l’église de Saint-Vorles, à Châtillon, est une méditation poétique sur le « Grand Mystère » de la mort et de la résurrection.

   Même si une corde sépare les visiteurs des statues, il s’agit de la franchir, de passer outre, et de rejoindre ces statues, ce qu’elles incarnent…

   D’abord, c’est l’angoisse, celle de ne pas être à la hauteur, de voir dénoncées ses propres ombres, ses manques, ses fautes… Le scandale est la mort du Christ, qu’il faut comprendre, et accepter, au-delà des réactions passionnelles, humaines, trop humaines…

   La description de certains détails, loin de nuire à la portée du message, est chargée de les éclairer, faisant partie de la révélation.

   Peu à peu, la communion s’établit entre le spectateur et les témoins directs de la mort scandaleuse du Christ. Il se fraie un passage, il adhère, il participe. Il est de plain-pied avec le silence et le message. Il est passé au-delà des apparences, au-delà du temps dont le spectacle est la mise au tombeau. Dans une éternité nouvelle.

 

-Les Amis du Musée

 MISE  AU  TOMBEAU

Mise au tombeau.

 Une corde arc-en-ciel

Entre les vivants et les morts.

 

Je suis venu mécontent de ma vie.

Insuffisant. Au niveau courant de ma pente

Et curieux de toucher du doigt

Les plaies représentées par l’écho d’ici-bas.

 

Il faut passer par le tragique

Où la vie se déploie.

Partager la souffrance avec

Celle de Dieu qui est

Parmi les hommes,

Et les oblige

À des sublimations

Sans précédent.

 

 Je suis comme un nomade affrontant des statues.

Comme un chevreuil qui voit venir quelqu’un…

Je voudrais me cacher.

 

En moi, l’angoisse.

Un tremblement profond. De qui se sent fautif

Et responsable.

 

-Les Amis du Musée

Au-dessus de l’abîme, un corps

Est allongé,

Qui n’aurait jamais dû mourir.

Mais qui est mort,

Dans l’innocence,

Exprès pour sanctifier la mort

Et passer outre.

 

Un gisant pèse lourd.

Du poids de nos douleurs

Et de sa défection.

Il est impénétrable

Et divorcé de nous.

 

Sa bouche à demi close

Est un autel désaffecté.

 

Tous les morts ont des traits communs.

Ils font bloc dans l’absence

Et dans le froid qui les durcit.

Nous qui restons sur notre rive

Avons du mal

À ne pas nous sentir de trop.

 

Dans cette mort, le Christ est en exil.

 

Le temps méchant se fait prioritaire.

En attendant…

 

On est encore en cet instant

Sur le versant mortel de la crucifixion,

Dans le temps suspendu.

Alors que se profile

Un rendez-vous posthume

Avec la réconciliation glorieuse.

 

Absenté par la mort,

Le Christ a laissé porte close,

Avec la clé dans la serrure.

 

Un mystère à retardement – trois jours –

Va éclater.

Madeleine en sera témoin

Avant les autres.

 

Dans la douleur des survivants,

Les contemporains du Christ

Sont perdus.

Figés, comme le Christ,

Dans l’apparence

Où se complaît l’histoire.

Entre la rigidité du cadavre

Et la résurrection promise.

 

Leur désarroi n’est qu’une hésitation

Au carrefour du temps,

Où la mort du Christ a eu lieu.

Elle est coincée dans leur esprit

Comme un squelette

En travers de la vie confiante.

 

Tête à bout de patience,

Regard mi-clos,

Comme si fermer à demi les yeux

Diminuait l’éclat du scandale.

 

Ils ont la bouche entrebâillée

Afin d’évacuer les relents

De la mort dont les mots fermentent

 

Sur la paroi du sarcophage,

On voit les douze,

Habillés à l’antique.

Ils cherchent la parole et le mot guérisseurs.

 

 

Le bras posé de saint Jean sur Marie

Jette un pont de chaleur humaine,

En dépit de l’éclair de nuit

Qui a rompu la pierre.

 

Depuis que le flambeau a disparu,

La nuit n’a rien multiplié.

L’incandescence a des pouvoirs

Qui ne dépendent pas de nous.

 

L’épée brandie

N’existe plus,

Même si le bras du soldat

Pourfend le vide et joue les matamores.

 

Les donateurs sont plus petits

Que les contemporains du Christ,

Auxquels ils ont laissé

La priorité du geste officiel.

Ils sont agenouillés

Pour être à la hauteur

De l’affliction priante humaine.

 

Ils n’ont que l’âge en eux

De leurs mains réunies

Sur les mots silencieux de l’âme.

 

La femme est mutilée.

Ne souffre pas, n’interrompt pas pour autant

Sa prière.

Retrouvera ses mains

Au détour du chemin de la résurrection,

Déposées bien en vue,

Sur un bord de fenêtre,

Comme deux gants oubliés là…

 

Ces donateurs sont au courant

De ce qui aura lieu

À la fin du troisième jour.

Ils n’ont gardé que l’espérance

En écoutant le flux de la prière

Ouvrir en eux des sillons de fraîcheur paisible.

 

Au cimetière, à côté de Saint-Vorles,

Les morts sont enfermés

Dans un jardin de gravillons

Scrupuleux et balayés par le vent.

Trois jours et des poussières,

À l’ombre d’un château ruiné…

Le temps ne passe pas.

Se décompose un peu,

Plus lentement que la mémoire…

 

Ces morts sont en souffrance.

Oublieraient-ils que le Maître a péri

Avant eux, et qu’il a reparu avant eux,

Pour qu’il y ait résurrection de tous ?

 

Je vais je viens d’une émotion à l’autre.

Et me réconcilie avec le Christ

Au point de mire universel.

 

Il y a tant de mains ici

Que je ne sais laquelle apprivoiser.

Tenir entre les miennes.

 

Il y a tant d’humanité ici

Que l’homme est dépassé.

Et que le vide a disparu,

Et que le manque est bienvenu

Pour accueillir le Grand Mystère.

 

Le silence est habité par la grâce.

Il est ici chez lui.

Elle est ici chez nous.

 

Mon passage au milieu de l’unanimité

Tient du miracle.

Et ne fait ni remous ni confusion.

De près, je vois que ce n’est pas

Le goût de la mort qui s’impose

Entre les lèvres.

-Les Amis du Musée

Je me mêle aux statues.

C’est comme si nous partagions

Une mission connue par cœur,

Et, bien avant de naître,

Initiatique.

 

C’est comme si j’étais le premier à leur dire :

« Attendez trois jours ! Revenez ! »

Clairvoyance intuitive !

Irradiation du sens au-delà du non-sens !

 

Je fais partie de la famille.

 

C’est la mise au tombeau du temps.

-Les Amis du Musée

-Les Amis du Musée

Merci, Monsieur Lagrange pour l'envoi de votre merveilleux poème .

NB: les dessins de la tête du Christ et de Marie Madeleine sont tirés du manuscrit de Michel Lagrange.

 

Rédigé par Christaldesaintmarc

Publié dans #lagrange, #michel, #poeme, #sublime

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B
st Vorles cette église passionne <br /> j adore y passer <br /> belle journée bisous
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