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Le beau voyage en Angleterre des élèves de 1ère du Lycée Désiré Nisard

Publié le par Christaldesaintmarc

Le Lycée Désiré Nisard a organisé un séjour de découverte à Londres du 18 au 23 avril 2010 avec la participation financière du Conseil Régional et de l’Association des Anciens Elèves du Lycée.

Le voyage,encadré par MME CLERGET, MME GODILLOT, M. CHARTIER et MME PELLEGRINO  s’adressait essentiellement à des élèves de 1ère (L, ES, et S) et avait pour thème fédérateur la réalisation d’une une de journal, ici le « TIMES », qui redonnerait les impressions des élèves et permettrait d’évaluer l’expression écrite sous la forme d’un article de presse.

Les élèves devaient également compléter un dossier de travail qui leur servirait de trame pour la rédaction de leur une.

Tous et toutes étaient logés en familles d’accueil dans la banlieue est de Londres, à Wallington.

-Valérie Tröndle

Le programme comportait la visite de l’Imperial War Museum avec pour point fort l’exposition consacrée à la Shoah, qui avait été préparée en amont par la visite du Memorial de la Shoah à Paris en mars 2010 avec la participation du professeur d’histoire des classes : M. CHARTIER.

-Valérie Tröndle

Les autres points importants du programme étaient :

 -la découverte du Globe Theâtre, largement étudié en amont en cours d’anglais(par les professeurs : MME GODILLOT et MME PELLEGRINO) avec la réalisation de diaporamas permettant l’évaluation de l’interaction, et l’étude d’extraits de films consacrés à William Shakespeare (Site TV et scène extraite de « Shakespeare in Love »).

-Valérie Tröndle

 

-Valérie Tröndle

-la visite des studios de télévision de la BBC, avec interaction des élèves sous la forme d’une participation à un jeu fictif de la télévision britannique, qui a permis de faire le point sur un média anglais connu

 

-Valérie Tröndle

-la découverte d’Oxford permettant de faire un rappel sur le système scolaire britannique aperçu en seconde

-Valérie Tröndle

 

-Valérie Tröndle

-la descente de la Tamise en bateau avec rappels des points importants de la ville vus en géographie

 

-Valérie Tröndle

Et la rencontre des correspondants de visio-conférence anglais de l’école Stepney Green à Tower Hamlets qui fut un moment très important de notre voyage. A cette occasion nous avons pu échanger de vive voix toutes nos impressions et entamer des discussions concernant un éventuel jumelage d’établissements dans les années à venir.

-Valérie Tröndle

 

-Valérie Tröndle

-Valérie Tröndle

-Valérie Tröndle

-Valérie Tröndle

-Valérie Tröndle

-Valérie Tröndle

-Valérie Tröndle

Les élèves se sont impliqués également dans l’envoi journalier de « cartes postales radiophoniques » grâce au Sati de Châtillon-sur-Seine (avec l’aide précieuse de M.GARDAVOT) et à radio Coloriages de Montbard (grâce à M.PECHON),donnant ainsi toute sa signification au thème « reportage » du projet.

Les envois ont été mis sur le site du lycée ainsi que sur celui du Sati pendant plusieurs semaines permettant aux familles des élèves de se rendre compte jour après jour du déroulement du voyage et de l’enthousiasme des étudiants.

-Valérie Tröndle

Ce voyage a pu se concrétiser grâce encore une fois à l’aide précieuse du Conseil Régional , de l’association des Anciens Elèves du Lycée et à la confiance que les familles  ont accordée aux professeurs et accompagnants.

-Valérie Tröndle

 

Publié dans -la, eleves, lycee, mme, voyage

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L'histoire de la Famille Cuzin...

Publié le par Christaldesaintmarc

Voici le texte relatant un entretien qui a eu lieu entre Jean-Philippe Cuzin , René Drappier, ancien typographe du « Châtillonnais et l’Auxois »,et moi-même.

Entretien rédigé par René qui connaît bien (et pour cause!) tous les personnages dont il va être question...

Je pense que de nombreux Châtillonnais seront intéressés par cette saga , qui est l'histoire de leur ancien journal local "Châtillon-Presse".

 Jean-Philippe. Cuzin nous raconte les origines  de sa famille,depuis ses grands-parents en commençant par sa Grand’Mère Madame Demirgian, fille de Mme Lépine.

Jean-Philippe déclare au sujet d'elle :"Ma grand-mère,c'était quelqu'un !!"

 Mademoiselle Germaine Lépine épouse M. Armand Cuzin, concessionnaire en machines agricoles à Alger.Cette concession au bout de quelques années disparaîtra et c’est le retour vers la France à Toulouse.

Mme Germaine Cuzin  divorce ensuite d’Armand Cuzin  avec qui elle avait eu 2 enfants :

Jacques Cuzin ,et  Christiane Cuzin

Mme Armand Cuzin,  divorcée, épouse en secondes noces M. Daniel Poiré,directeur de l'Argus et de l'Echo de la Mode, père d’Alain  Poiré qui fut producteur, metteur en scène de cinéma et  directeur de la Gaumont .

Après la guerre,en vacances aux sports d’hiver, Germaine rencontre M. Louis Demirgian héros de l’aviation en 1914 qui  revenait d’Egypte, d’Alexandrie,  pour des raisons personnelles plus ou moins régulières.

Elle devient l'épouse de  Monsieur Demirgian.

Le couple n’aura pas d’enfants.

Monsieur Demirgian  avait perdu un bras dans un accident.Il avait de nombreuses relations  influentes dans le monde judiciaire.Tous deux se retrouvent à Saint-Germain-le-Rocheux où ils achètent une propriété appelée « La Fouillouze » (  aujourd’hui ils reposent au cimetière du village).

 

L'histoire de la Famille Cuzin...

 

 (Madame Demirgian,à droite sur la photo, à côté de sa belle-fille Madame Cuzin))

En 1950 : M. Demirgian apprend qu’à Châtillon-s-Seine  le journal Châtillon-Presse appartenant à M. et Mme Massenet  va être à  vendre  dans les années qui suivent.

Il s’associe alors  avec  M.Jacques Cuzin, fils de Mme Demirgian, en vue d’acheter ce journal.M Jacques Cuzin travaillait alors  pour des laboratoires de Pharmacie et son épouse travaillait  à l’ORTF .

1953 arrive la date où René  rentre en apprentissage à l’imprimerie conduite par M. Massenet.

(voir les souvenirs d’un typographe Châtillonnais)

 1954 la vente est faite et signée en l’étude de Me  Gandrille, notaire à Châtillon .

 A noter que Maître Gandrille était le beau-père d’André Costa qui deviendra journaliste  à l’Auto-Journal.André Costa collaborera d’ailleurs très souvent aux rubriques automobiles de Châtillon-Presse.

 1955 M. Demirgian est nommé Gérant de la société SNI et dirigera l’imprimerie de 1955 à 1964.

 M. Demirgian sera décoré de La Légion  d’Honneur par M. Roger Seytre Directeur de la fabrique de chaînes de Saint-Marc-sur-Seine. (père de M. Gilles Seytre ancien pharmacien à Châtillon et Maire de Saint Marc).

Par la suite il sera nommé Grand Officier de la Légion d’Honneur.

 M. Demirgian avait un frère Pilote de ligne et qui écrivait des articles sur Paris-Match.

Les parents de Gisèle,Catherine et Jean-Philippe:

Sa maman:

L'histoire de la Famille Cuzin...

(Madame Cuzin-Giraudon en pleine action...)

Michèle Giraudon était la fille  de M. Giraudon Notaire et de Madame Giraudon-Campana.

Monsieur Giraudon possédait une très importante étude notariale à Agen.

Les Giraudon  avaient de nombreuses connaissances dans le monde journalistique et culturel.

Mademoiselle Giraudon  fut toujours intéressée par le monde de la Presse et connaissait  très bien M. Claude Lemoine Directeur des Grands Journaux de L’Ouest, de l’Illustration  et de bien d’autres magazines.

Mademoiselle Giraudon était la petite-fille de Monsieur Honoré Campana , fondateur et ancien directeur de l'Ecole de Pratique de Droit de Bordeaux.Il était officier de la légion d'Honneur et propriétaire de vignobles dans le Bordelais.

Son père:

M. Jacques Cuzin épousa Mademoiselle Michèle Giraudon

Ils auront  trois enfants :  Gisèle, Catherine et Jean-Philippe.

Monsieur Jacques Cuzin reprit l'affaire de 1964 à 1982 date de son décès

 C'est Madame Michèle Cuzin qui lui succéda de 1982 à 2005 , où pour des raisons familiales,  l'affaire sera vendue à Monsieur Alain Joyandet (Société Mediatour).Monsieur Joyandet est actuellement secrétaire d'Etat à la Coopération et à la Francophonie.

Monsieur Jacques Cuzin , ainsi que son épouse, furent très impliqués dans la vie Châtillonnaise.

Jacques Cuzin fut , en 1976, à l'origine de l'implantation à Châtillon sur Seine du Lion's Club en compagnie de Messieurs Max Thompson,Roger Seytre,Maudru,Parisot, Trouvé etc....

Après 2005, le Journal restera à Châtillon,mais sera imprimé ailleurs,il reprendra le nom qu’il possédait à ses tout débuts : «  le Châtillonnais et l’Auxois ».

 Là s’arrêtera notre entretien  qui nous a permis de nous remémorer toutes ces personnes et nos souvenirs de jeunesse.

Publié dans cuzin, demirgian, giraudon, journal, mme

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La collection particulière de la famille Cuzin

Publié le par Christaldesaintmarc

La collection particulière de Jean-philippe Cuzin

Le tribunal de Commerce à Châtillon sur Seine...avant qu'il ne soit supprimé..

Si vous pouvez identifier les juristes,car je ne reconnais que Monsieur Beauvoir et Monsieur Parisot, dites le en commentaire,merci !

Commentaire de BM:
Au sujet de la photo du tribunal de commerce je pense reconnaître de gauche à droite : Mme Belin, Henri Reddé, ?, Daniel Parisot, M. Beauvoir, M. Massard, Jean Dhotel

Commentaire de Michel Massé :
Le troisième personnage que personne n'a reconnu et marqué ? est le procureur de le république du moment, bien sûr inconnu à Châtillon.C'est à Daniel Parisot que l'on doit ce renseignement.

La collection particulière de Jean-philippe Cuzin

Commentaire de Jean Michel Mars :

Sous-préfête Mme Madeleine MATHIS et Pascale CHAVANCE à l'origine de l'exposition de carte postale ancienne de Laignes, sous la mairie.

Jean-Paul Noret,Mme la Sous-préfète d'alors ,et le regretté Monsieur Recq alors maire de Laignes.

La collection particulière de Jean-philippe Cuzin

Annie Chazottes ,avec des amis Japonais à Fontenay (Mme Chazottes travaille beaucoup pour le Japon) 
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une intellectuelle Châtillonnaise sous la Révolution...

Publié le par Christaldesaintmarc

 

Une mémorialiste oubliée :Victorine de Chastenay


«Blanche et assez bien faite, les cheveux bruns, les dents belles, les yeux bleus, le
regard assez doux, l’expression de la physionomie a fait — plus que les traits — le
mérite de ma figure. Je crois qu’elle annonce plus de bonté que d’esprit et j’avoue
que je m’en applaudis.»

Celle qui se décrit en ces termes, à l’âge de dix-huit ans, se nommait Louise-
Marie-Victoire de Chastenay, que l’on appela toujours Victorine, née à Essarois

. Elle était de petite noblesse, mais fort ancienne : on trouve mention
d’un chevalier Jean de Chastenay et un Chastenay était compagnon de
saint Louis à Tunis. Famille ancienne, mais assez peu fortunée, quoique
propriétaire du château et domaine d’Essarois, en Côte d’Or, à une vingtaine de
kilomètres de Châtillon-sur-Seine, qui comprenait, outre le château et le parc, la
forge, le moulin, les fermes du village, huit cents hectares de bois et les droits
seigneuriaux. Le père de Victorine, Érard-Louis-Guy, comte de Chastenay-
Lanty, inscrit dès sa naissance dans l’ordre de Malte, avait été
mousquetaire, puis sous-lieutenant au régiment de Bauffremont, et il épousa
la fille du marquis d’Herbouville, Catherine-Louise, originaire de
Normandie, qui lui donna deux enfants : Victorine et Henri-Louis, qui
entra très jeune dans les gardes du corps et fut sous-lieutenant dans la garde
constitutionnelle de Louis XVI. Officier des chevau-légers de la garde sous Louis
XVIII, puis maréchal de camp, il prendra part à l’expédition d’Espagne et,
pair de France sous Louis-Philippe, siégea jusqu’à sa mort, à la Chambre
haute.

Comme Mme de Condorcet, Lucile de Chateaubriand ou Mme de Genlis,
Victorine fut destinée à recueillir la succession d’une abbesse et à bénéficier d’une
prébende.Preuve faite de huit quartiers de noblesse d’épée, tant
du côté maternel que paternel, elle fut reçue au chapitre noble d’Épinal, situation
qui ne lui interdisait pas de se marier et l’autorisait, à quatorze ans, à se faire
appeler Madame.

La jeune fille fut moins impressionnée par la réception officielle,
pourtant solennelle, que par le bal qui suivit :

« La cérémonie, dit-elle, me fit pleurer parce que maman y pleura ; mais la danse me consola bien vite. J’étais pourle coup l’objet principal et de droit ; j’avais des succès au bal, pour la première foispeut-être, car je n’ai jamais ni très bien, ni très mal dansé. »

Du reste, sa carrière d’abbesse devait tourner court : l’Assemblée nationale décréta la mise à la disposition de la nation de tous les biens ecclésiastiques et le chapitred’Épinal cessa d’exister.

Demeurée dans sa famille, Victorine y reçut une instruction très supérieure à
celle des jeunes filles de son époque : rien ne fut épargné pour faire d’elle une
jeune femme accomplie et rompue aux usages du monde, mais aussi une
intellectuelle, et l’on prit soin de la frotter de grammaire, de mathématiques, de
géométrie, d’algèbre, de sciences physiques et naturelles, de mythologie, de
géographie, de latin, d’allemand, d’anglais, d’espagnol, d’italien, de musique, sans
négliger le dessin ni la danse. À dix ans, elle lisait les Hommes illustres de
Plutarque, l’Histoire d’Angleterre du P. d’Orléans et les Révolutions romaines de
Vertot et, à dix-huit, se passionnait pour Jean-Jacques et Bernardin de Saint-
Pierre :

« Un désert et un mari bien épris me semblaient le comble de la félicité. Je
lus alors La Chaumière indienne, et je versai bien des larmes. »


Elle a tôt pris dans les Rêveries du promeneur solitaire la passion de la botanique qui lui inspirera les trois volumes d’un Calendrier de Flore, qu’apprécièrent Mme de Genlis,
Grétry, l’abbé Delille et l’illustre auteur des Études de la nature, « beau vieillard
dont les cheveux blancs tombaient en flocons soyeux sur ses larges épaules » et qui
lui prédit une belle carrière. Bonne musicienne — elle eut pour maître Séjan,
organiste de Notre-Dame de Paris — Victorine eut aussi la chance d’être l’élève,
avec son frère, de Mme de Genlis, gouvernante des enfants d’Orléans, dont elle
suivit les leçons à Bellechasse aux côtés du duc de Chartres, le futur Louis-
Philippe, et de sa soeur, Mme Adélaïde, du duc de Montpensier et du comte de
Beaujolais.

Ce sont des jours heureux dans une famille unie, charitable et très aimée dans
le pays. On y vit avec une simplicité qui rapproche les aristocrates des bourgeois et
surtout des paysans et rappelle certains tableaux idylliques de La Nouvelle Héloïse
et les bergeries de Florian :

« Mes parents toujours bienfaisants, se livrèrent à leur penchant avec une charité
tendre, une grâce que rien n’avait encore attristée, avec une prodigalité qui semble la
fleur du bienfait. Rien n’était plus joli que les bals du dimanche. On dansait depuis
vêpres, dans une cour sans muraille, bordée de peupliers et de pommiers à cidre. Un
ménétrier et son fils que l’on appelait Rabâche, s’établissaient sur des tonneaux. On
venait de tous les villages voisins et les costumes picards, pour les femmes surtout,
ont réellement de l’élégance. Tous les gens de la maison dansaient et parmi eux se
trouvaient de beaux danseurs. Mon père, ma mère, nous deux mon frère, tous les
habitants de la maison, nous dansions tous du meilleur coeur et je parierais que la
coquetterie trouva moyen de se glisser entre les jolies paysannes et les beaux
messieurs du château . »

Ces temps heureux n’avaient plus longtemps à durer. La Révolution était
proche. M. de Chastenay était noble, mais libéral, lecteur de Rousseau, de
Voltaire et de Montesquieu, épris de réformes raisonnables. Élu député de son
bailliage aux États généraux, il est partisan du vote par tête et se rend en mai ,
accompagné des siens, à la séance d’ouverture à Versailles. « Nous partîmes pour
Paris, dit Victorine, avec ce sentiment de confiante gaieté qui attend d’heureuses
nouveautés, mais qui les attend comme le résultat du bien et du mieux connus, et
ne prévoit que des discussions sereines, comme celles qui précèdent quelquefois
une transaction de famille. […] Moi, je l’avoue, j’étais dans le délire » .
Ce n’était pas l’opinion de tout le monde et la mère de Victorine, loin de partager
celles de son mari, faisait fréquenter à sa fille les milieux les plus réactionnaires où
elle s’ennuie ferme :

« Je n’ai rien trouvé de si ennuyeux que ces soirées qu’on me faisait passer au milieu debégueules respectables chez qui je ne trouvais rien pour l’esprit, pour la raison, ou
pour le coeur. Dans ces maisons, dans quelques autres du même genre, j’étais, à
cause de mes principes surtout, un objet de pitié haineuse. Je me souviens que
M. Dubut, créole, et renommé pour son esprit, me dit un jour qu’une femme fille,
avec des notions d’indépendance, ne pouvait se comparer qu’à un âne sauvage. Voilà
la galanterie la plus remarquable que j’aie reçue dans ce monde, où maman se croyait
obligée de me faire paraître à peu près tous les jours "
.
Elle ne tarde donc pas à déchanter. La belle unanimité du début dégénère, le
clergé s’oppose au tiers état, la noblesse se divise, la royauté chancelle. En
octobre, la marche des Parisiens sur Versailles contraint la famille royale à venir
résider aux Tuileries et la Révolution prend une tournure inquiétante.
Comme tant d’autres, les Chastenay sont déçus et terrifiés par les événements. On crutdonc prudent de quitter Paris pour se réfugier près de Rouen, chez la
soeur de la comtesse de Chastenay, mais en août –septembre, les » massacres de septembre » forcent bientôt la famille à se cacher dans une ancienne abbaye où l’on mène unevie de reclus. La mère, fragile et toujours souffrante, garde le lit, le père, vêtu d’unecarmagnole, va aux nouvelles, le frère et la soeur lisent, dessinent,jouissent du calme de la campagne, non sans redouter à chaque instant l’irruption de la violencerévolutionnaire :

« Il faut avoir passé par cette inconcevable époque pour soupçonner encore ce qu’on
pouvait sentir. On ne se faisait point illusion ; nous nous disions, mon frère et moi,
en parcourant un soir ces délicieux vallons, qu’avant six mois nous aurions tous passé
sous le fer de la Révolution. Cependant ces fleurs nous charmaient ; nous
dessinions, nous faisions de la musique, nous lisions des romans ; nous avions des
moments de plaisir et à de violentes émotions subites succédaient, tous les jours, à
ces mouvements de joie qui sont presque de l’espérance « .

En avril 1790, les nobles se trouvant interdits de séjour à Paris et dans les
villes maritimes, les Chastenay se réfugient à Châtillon, en Bourgogne, pour y
apprendre que, faute d’un certificat de résidence parvenu dans les délais, le comte
est inscrit sur la liste des émigrés et qu’il a été dénoncé comme ennemi de la
Révolution. Avec son fils, il tente de gagner la Suisse par les bois. En représailles,
Mme de Chastenay, quasi mourante, est internée à l’hôpital, sa fille menée en
prison. Chastenay, arrêté à son tour, est transféré à la sinistre
Conciergerie.
C’est de cette prison que sortiront, pour monter à l’échafaud,Mme de Noailles, sa fille et sa petite-fille, suivies par André Chénier.

Son père en danger, c’est Victorine, la personnalité forte de la famille, qui se
démène pour le sauver. Courageusement, elle écrit lettre sur lettre, rencontre tous
ceux qu’elle croit susceptibles de lui venir en aide, court les bureaux et multiplie les
suppliques. Ses efforts seraient sans doute demeurés vains si Thermidor
n’avait désarmé l’impitoyable Fouquier-Tinville.

Le citoyen Chastenay passa en jugement devant le tribunal révolutionnaire, où son avocat fit valoir le dévouement de sa fille et les témoignages des villageois sur son inépuisable bienfaisance. En septembre, il fut acquitté.

L’avocat qui avait plaidé sa cause était un ancien conventionnel, Pierre-
François Réal, procureur au Châtelet à la veille de la Révolution, ancien jacobin
qui conservera jusque sous l’Empire une réputation excessive de terroriste. Par la
suite homme de Barras, chargé de l’instruction du complot royaliste de Pichegru,
soutien de Bonaparte le 18 Brumaire mais toujours éclipsé par Fouché à la
direction de la police, il n’a pas laissé de trop bons souvenirs. Chargé de
l’enquête sur la conspiration de Cadoudal, Pichegru et Moreau, on le soupçonna
d’avoir fait étrangler Pichegru dans sa cellule et, la même année, d’avoir feint un
profond sommeil pour ne pas obéir à l’ordre qui lui enjoignait de présider à
l’interrogatoire du duc d’Enghien fusillé à la sauvette dans les fossés de Vincennes.

Fait comte et doté par l’Empereur, à nouveau préfet de police pendant les Cent-
Jours, proscrit par Fouché, il s’exilera aux États-Unis, ne revint en France que plus tard
et y mourut sept ans plus tard.

Tel était l’homme auprès duquel Victorine avait trouvé appui et dont elle laisse un portrait bien différent, inspiré certes par lareconnaissance, mais sans doute aussi par un sentiment plus vif.

« je me voyais l’objet d’une passion brûlante ; celui qui l’éprouvait avait auprès
de moi tous les droits. Réal avait été le défenseur de mon père au tribunal
révolutionnaire, sauveur de la fortune de mon frère et de celle de toute ma
nouvelle famille [celle de sa belle-soeur], je lui devais tout, et ma tendre et
profonde amitié lui rendait tout ce qu’il était permis à mon coeur d’éprouver. » À
l’en croire — elle demeure très discrète sur ce chapitre — « l’or pur de l’amitié est
seul resté intact »

mais elle fut probablement sa maîtresse.

Hélas, Réal était marié,avait des enfants — Victorine deviendra du reste l’amie de sa fille — et rien n’était possible entre eux. Ils échangèrent une abondante correspondance, détruite, mais quelque chose en subsiste dans Le Calendrier de Flore. Dans cet ouvrage, Victorine écrit à une amie, Fanny, qui dissimule Réal et fait passer sous ce déguisement de tendres propos.

Au fait, n’avait-elle pas des prétendants ? Si fait, et même plusieurs, mais la
demoiselle était difficile à placer :

« J’étais une simple enfant, mais enfant à grands
principes, je croyais qu’il y allait de la gloire d’une femme accomplie de subjuguer
toujours et de ne céder jamais. L’un me semblait naturel et l’autre fort aisé »
.
Une possibilité s’était offerte avec un voisin des Chastenay, Auguste de Marmont,
futur maréchal de France et duc de Raguse, mais M. de Chastenay jugea de trop
petite extraction ce traîneur de sabre ami d’un Bonaparte encore obscur.
Un autre
candidat s’était présenté en la personne de M. de Sérent, fils du précepteur desenfants du comte d’Artois, union qui aurait pu valoir à Victorine un poste auprès
de Mme Élisabeth, soeur de Louis XVI, mais deux obstacles s’élevèrent.
Le premier,dit-elle, est « une exaltation presque républicaine qui soutint ma raison » et laretint de se lier par une charge ; le second est plus terre à terre, mais sans doute
plus déterminant : le fiancé exigeait qu’elle apportât quinze mille livres de rentes.

Puis se présenta M. de Croix, député de la noblesse d’Artois, mais les événements
révolutionnaires firent bientôt avorter le projet. Vinrent ensuite Fortuné de
Chabrillan, dont la famille maquignonna, et M. de Souza, ambassadeur de
Portugal, âgé de soixante-six ans, dont le décès subit la préserva. Un moment,
Victorine se sentit un penchant pour un tout jeune homme, Auguste de Damas,
qui, au sortir d’un théâtre où l’on jouait L’Amoureux de quinze ans, lui baisa
furtivement la main. Hélas, ce charmant garçon, blond et candide, acheva à vingt deuxans sa brève carrière sur l’échafaud. Comme on lui savait des relations dans des milieux influents, on proposa encore à Victorine le vicomte Dauvet, riche
parti, à condition qu’elle obtînt son retour d’émigration, condition peu romanesque qu’elle déclina. Les deux derniers aspirants sont plus originaux. L’un
était le fils du trop célèbre marquis de Sade, qui lui demanda sa main au cours
d’une promenade aux Tuileries.
Outre qu’elle n’éprouvait rien pour lui, elle ne put s’empêcher aussi

« de réfléchir sur le risque effrayant de donner jamais le jour au petit-fils de l’homme phénomène qu’il fallut peu après enfermer à Charenton »

Le dernier de la série fut le maréchal Kellermann, le héros de Valmy, qui l’accabla « de toutes les galanteries allemandes que son âge devait autoriser ». Le héros avait soixante-dix-sept ans. Cela ne retint pas la famille de Victorine de pousser à la roue. Kellermann était riche, bien vu par lerégime. M. de Chastenay souhaitait entrer au Sénat, Mme de Chastenay souhaitait davantage d’aisance, Henri de Chastenay souhaitait obtenir un emploi.

Victorine fut sur le point d’accepter, pour rendre service aux siens. On disputa beaucoup sur le contrat, les enfants du maréchal se montrant très hostiles à cette union et faisant courir des « calomnies » — sa liaison avec Réal ? — qui dégoûtèrent définitivement leur future belle-mère et l’on en resta là.

Le regretta-t-elle ? « Ma passion ardente pour mes parents et le besoin de leur tout sacrifier étaient le mobile de toutes mes vues à venir ; l’étude d’ailleurs, dont le goût était en moi sivif, me permettait peu d’égarer ma pensée. »

Mme de Chastenay mourut vieille fille.

Il est vrai que l’intellectuelle semble l’avoir emporté chez elle sur la femme
soucieuse de séduire.

Elle s’était mise à traduire Pétrarque et les poètes anglais. Cette année-là, elle publia une traduction duVillage abandonné de Goldsmith, que Réal fit imprimer, et surtout une traductiondes Mystères d’Udolphe d’Anne Radcliffe, qui furent réédités six fois
et Marie-Joseph Chénier la félicita de n’avoir « pas affaibli les sombres beautés »
du roman. Belle réussite en effet, puisque, révisée, elle servit encore de base à la
réédition du roman en par Amédée de Bast, reprise Maurice Lévy.

Puis c’est l’érudite qui se révèle dans les quatre volumes plus ambitieux Du génie des peuples anciens, ou tableau historique et littéraire du développement de l’esprit humain chez les peuples anciens, depuis les premiers temps connus jusqu’au commencement de l’ère chrétienne, vaste compilation dans la ligne de la célèbre Esquisse d’un tableau des progrès de l’esprit humain de Condorcet, au sujet de laquelle Dussault et Suard se montrèrent réservés, jugeant un tel travail au-dessus des forces d’une jeune femme. Suivront encore, une étude sur Les Chevaliers normands en Sicile, puis, De l’Asie, ou considérations religieuses,philosophiques et littéraires sur l’Asie, ouvrage dédié au grand orientaliste Silvestre de Sacy.

Bas-bleu ? Sans doute un peu, mais qui sut gagner l’estime de savants
comme Arago, qui lui fit un cours d’astronomie, ou de Cuvier et de Humboldt,
dont elle suivit les leçons.

Passé la Révolution et le Directoire, Paris semblait renaître, les fêtes et les
bals se multipliaient, la vie mondaine reprenait comme si chacun s’empressait
d’oublier les années sombres. Victorine, bien introduite par Réal, prit sa part de ce
renouveau et, sous le Consulat et l’Empire, on la vit un peu partout : « Les jeunes
gens faisaient couper leurs cheveux à la Titus ; les femmes les bouclaient d’après
les bustes antiques. Une mousseline légère avec un noeud de ruban composait une
parure exquise, et il n’y avait que de vieilles femmes très maussades qui
regrettassent la poudre, les poches et les soulier à grands talons » .

Un homme surtout, qu’elle avait connu en des temps où sa fortune était moins
brillante, voyait alors monter son étoile.

Publié dans bien, chastenay, famille, mme, victorine

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Une intellectuelle Châtillonnaise ....

Publié le par Christaldesaintmarc

À la fin de mai 1795, Victorine et les siens reçurent à Châtillon Auguste de
Marmont, alors officier d’artillerie, accompagné d’un général de vingt-six ans,
dont elle n’avait jamais entendu le nom, lui-même accompagné de son jeune frère
Louis, qu’il menait sévèrement et accablait d’algèbre. Mme de Marmont, ne sachant
que faire de ce Bonaparte « maigre et pâle » qui ne desserrait pas les dents et que
certains traitaient tout bas d’imbécile, l’avait, en désespoir de cause, amené chez
ses voisins Chastenay.

Le premier contact fut tiède. En bonne jeune fille de la maison, Victorine se mit au piano et, pensant plaire à son hôte, chanta en italien :

« Je lui demandai si je prononçais bien ; il me répondit non, tout simplement. »


Le lendemain, au dîner, Bonaparte, maussade, ne répond aux convives que par
monosyllabes.

Piquée, Victorine l’entreprend et les voilà, entre les deux fenêtres du
salon, appuyés sur une console de marbre, le général se dégelant peu à peu. Il ne
lui cacha pas qu’il n’avait « aucune maxime ni aucune foi républicaines » et qu’il ne
croyait qu’à l’appui de la haute noblesse : « Je crois que Bonaparte eût émigré, si
l’émigration, en effet, eût offert des chances de succès. » S’il ne se disait pas
favorable aux terroristes, il ne l’était guère davantage aux thermidoriens. Puis ils
parlèrent d’Ossian, alors à la mode et que Bonaparte savait par coeur : « Il me
proposa de m’en apporter le recueil ; il allait à Paris et le retrouverait aisément.

« J’étais encore jeune et un peu prude ; l’idée de recevoir ce général et d’accepter de
lui un livre me parut manquer de convenance : je remerciai. J’avoue que depuis, et
plus d’une fois, j’ai regretté la visite et le livre. »

Puis ils s’entretinrent encore de Paul et Virginie et de la tragédie. Quand ils en vinrent à parler du bonheur, il lui dit « que pour l’homme il devait consister dans le plus grand développement possible de ses facultés ». Le général désormais apprivoisé, les jours suivants furent amicaux.

À vrai dire, Napoléon déjà perçait sous Bonaparte. Comme on se
réjouissait du calme revenu, malgré l’opposition des factions :

« Bonaparte ne craignit pas de dire que sa façon de voir était très opposée ; en pareil cas il convenait qu’une victoire complète fût à l’un des partis : dix mille par terre, d’un
côté ou de l’autre, autrement il faudrait toujours recommencer. »

Entraîné par Junot et Marmont, le général s’abandonna jusqu’à participer à de petits jeux de salon. Grand moment, du moins à la lumière des événements futurs :

« Par suite d’un gage touché, je vis à genoux devant moi celui qui vit bientôt l’Europe aux siens. »

On s’en tint là : un courrier rappelait Bonaparte d’urgence à Paris

Cet homme froid, préoccupé, secret, tranchant, dominateur, avait impressionné Victorine. En décembre 1797, elle manqua l’occasion de le revoir lorsque Talleyrand lui fit parvenir une invitation pour le bal donné en l’honneur du vainqueur d’Italie.

Hélas, prise de court, elle n’avait « ni robe sortable, ni souliers blancs, ni ajustement convenable ». Le moyen de résister à des raisons si féminines ? Elle n’alla pas au bal. Elle revit pourtant Bonaparte chez Joséphine, à un moment où elle souhaitai tune audience du Premier Consul pour arranger des affaires de famille. On était au salon lorsqu’il entra :

« Dirai-je qu’il fut surpris, et même un peu embarrassé ? Cela est pourtant
parfaitement vrai. Il me reconnut, vint à moi, me demanda des nouvelles de maman,
puis tout à coup si M. de Marmont était toujours aussi amoureux de moi. Je
répondis, avec assez de fierté, que je ne pensais pas qu’il l’eût jamais été, et que,
d’ailleurs, il était marié depuis deux ans. Les questions ne portèrent plus que sur mes
talents de musique, dont Bonaparte me parla avec éloge ; puis il m’engagea à venir
passer des soirées dans leur intérieur, et me priant de l’excuser, il sortit aussitôt, suivi
de Mme Bonaparte, qui revint un moment après. On croira ce qu’on voudra croire,
moi-même je n’y ai rien compris : pendant tout cet entretien, dont le ton un peu
supérieur ne m’obligeait pas entièrement, cette femme tremblait comme une feuille
agitée. Il est très sûr qu’elle m’a toujours comblée de politesses, et toujours tenue
éloignée non d’elle, mais de son époux. Je n’étais pas trop dans le cas de lui inspirer
de la jalousie, cependant alors j’étais assez brillante. Je connaissais ses beaux-frères,
qui alors n’épargnaient rien pour éloigner d’elle Bonaparte ; on publiait des écrits de
plusieurs genres pour le décider au divorce. Que sais-je ce qu’elle pouvait penser,
puisqu’elle me connaissait si peu ? Quoi qu’il en soit, je terminai l’entretien en la
priant de demander pour moi une audience ; elle s’en chargea, aussi ne l’ai-je point
obtenue «

Elle devait le rencontrer une dernière fois sous l’Empire. Priée à un bal chez Savary, duc de Rovigo, elle le vit entrer avec Marie-Louise, enceinte du Roi de Rome. Napoléon entreprit, d’un pas pressé, de passer en revue les dames alignées sur un rang. Victorine l’ayant entendu se montrer peu amène à l’égard de la duchesse de Brancas, elle eût souhaité échapper à la présentation :

« L’Empereur me dit aussitôt que sûrement il me connaissait, qu’il se souvenait de
m’avoir vue. Flattée qu’il m’eût épargné la question toujours un peu rude : « Votre
nom ? » je m’empressai de l’articuler. « Oui, sans doute, me dit-il, je vous connais, je
vous ai connue. Je vous ai vue à Châtillon ; vous étiez chanoinesse. Comment se
porte madame votre mère ? » À ce début obligeant, l’Empereur ajouta : « Vous
souvenez-vous de cette longue conversation que nous eûmes ensemble à Châtillon ?
Vous en souvenez-vous, dites-moi ? Il y a seize ans, seize ans en vérité ! Elle fut bien
longue, cette conversation ; dites-moi, vous en souvenez-vous ? » Il répétait : « Il y a
seize ans ! » et invoquait mes souvenirs, en paraissant lui-même en rappeler de
profonds. Je répondais de mon mieux ; ma reconnaissance était vive. Il me dit que
j’avais fait plusieurs ouvrages marquants ; que, sans les avoir lus, parce que le temps
lui manquait, il en avait su le mérite, et par conséquent le succès. Il ajouta que j’étais
une Muse, et me demanda si j’avais cultivé mes beaux talents sur le piano, qu’il
n’avait pas pu oublier. Après deux ou trois autres phrases, toujours également polies,
l’Empereur passa à ma voisine ; il lui dit un mot de forme, parcourut rapidement le
reste du cercle, et ne tarda pas à se retirer «

Victorine avait retenu l’attention du maître et se vit donc aussitôt entourée de
courtisans flairant une possible favorite. Elle crut bon, dès le lendemain, de faire
relier ses ouvrages et de les envoyer à l’Empereur, qui fit placer le Génie des anciens dans sa bibliothèque, Udolphe et le Calendrier de Flore dans celle de l’Impératrice :

« Il ne me fit pas dire un seul mot, et je ne l’ai jamais revu. »

Si Mme de Chastenay a dû être flattée du souvenir que Napoléon avait
conservé d’elle, elle n’a pourtant pas apprécié son régime ni sa poigne impitoyable,
et son père pas davantage. M. de Chastenay était entré au Corps législatif
heureux de toucher des appointements, mais il écrit à un ami :

« Je ne crois pas, mon ami, qu’à aucune époque l’espèce humaine se soit montrée aussi dégradée qu’elle paraît aujourd’hui dans la nation française ;
imaginez que cette nation que vous pouvez vous rappeler avoir vue, il y a vingt cinq
ans, montrer tant d’amour pour la liberté, le porter même jusqu’au fanatisme
et au délire, est depuis neuf ans soumise au despotisme le plus absolu dont le
pouvoir s’exerce sur lui de la manière la plus rigoureuse qui à peine trouverait son
exemple dans le Levant. Vous serez porté à croire qu’au moins elle a, dans cet
espace de temps, tenté quelques efforts pour secouer le joug sous lequel elle gémit,
vous seriez dans l’erreur, et votre surprise sera sans doute bien grande, quand vous
saurez que dans ce moment même, elle est armée et combat pour garantir la durée
d’un régime qu’elle abhorre… »

Sa fille aussi juge sévèrement le despote et, au fil des Mémoires, son image se dégrade. Le jeune général qui l’avait impressionnée et peut-être séduite fait place sous sa plume à un tyran sacrifiant tout à son ambition insensée et qu’elle finit par traiter de fou dangereux. C’est pourquoi, bien qu’orléaniste, elle applaudira à la Restauration des Bourbons.

Bonaparte fut certes la rencontre la plus prestigieuse de Victorine, mais elle a
approché nombre d’autres personnages de la Révolution, du Consulat de l’Empire.
Barras, par exemple, qui l’invita souvent à ses réceptions où elle rencontrait Tallien
ou Fréron, mais où elle s’ennuie ferme. :

« Sa mine était fière, son regard vif, toutson extérieur distingué et réellement imposant. »

Elle a bien connu Fouché ;

« grand, maigre, pâle » et « habile à se rallier au vainqueur ». Adroit, surtout, et
indéchiffrable : « Avec de vrais talents, il avait du charlatanisme. Sa conversation
avait toujours de l’abandon, toujours de la franchise, en tant que conversation,
parce qu’il ne se croyait pas obligé de se rappeler toujours ses paroles. ».

Parmi les dames, elle distingue Mme Tallien, impressionnante par sa beauté et son aisance un peu froide, ou Mme de Staël, qui se plaît à la taquiner :

« Elle me demandait quelquefois, en riant, et tout haut, si j’avais un amant » .

Elle la retrouva plus tard flanquée de Schlegel et de Simonde de Sismondi comme d’une paire de sigisbées, et lui dit son admiration pour De l’Allemagne, « indignement mis au pilon ».

Elle reconnaît que l’illustre opposante à Napoléon « n’a jamais fait une
méchanceté et que le génie brille dans ses ouvrages », mais aussi qu’il n’était pas
commode de converser avec elle : « On ne devait guère songer qu’à la faire parler.
Il y aurait eu plus que de la présomption à entreprendre une discussion avec elle
devant témoins, et dès qu’un entretien où elle avait part commençait, on eût dit
qu’on jouait au proverbe, et chacun venait l’écouter »

. Benjamin Constant, lui, paraissait rarement, « souvent très isolé », affectant « un ton de demi-persiflage, qui masque toutes les opinions » . L’entourage de
Bonaparte est présent aussi : Lucien, « vif, spirituel, peu mesuré dans ses saillies »,
Joseph, « doux et gracieux », Bernadotte, « sans beauté, sans un esprit brillant »,
mais remarquable dans un salon par sa haute taille, ses cheveux noirs, « ses dents
d’une éclatante blancheur ».

Elle vit souvent Talleyrand :

« Je ne sais comment ce politique un jour me dévoila le secret de sa vie ; il fallait toujours, disait-il, se mettre en situation de pouvoir choisir entre deux partis »

Liée surtout, en raison de la situation de son père, avec des hommes de
pouvoir, elle fréquente moins les gens de lettres. Elle voit cependant Marie-Joseph
Chénier, toujours poursuivi du soupçon d’avoir trahi son frère et dont elle n’aimait
pas le Charles IX aux accents jacobins et elle s’enhardit à lui dire qu’il écrivait mal :

« Il me crut folle, et il me le dit » .

Il la condamna à lire son Fénelon et luifit cadeau d’un exemplaire de Charles IX retouché. Victorine a encore retrouvé Mmede Genlis, logée à l’Arsenal, qui lui témoigna toujours beaucoup d’affection etdont elle aimait la conversation enjouée et spirituelle, ou Bernardin de Saint-Pierre, l’admiration de son adolescence, qui la charmait par sa douceur et sa bonhomie.
Comme elle rêvait d’écrire un opéra, elle se présenta chez Grétry pour
obtenir ses conseils et le trouva « enfoncé dans un immense fauteuil » et d’humeur
réservée. Elle comprit qu’on n’attire pas les mouches avec du vinaigre et entreprit
de le séduire :

« Je fis fumer l’encens que je m’étais proposée de brûler pour lui. Je
repris courage, en un mot, par degrés, et il est impossible d’avoir été peu à peu plus
aimable que ne le fut aussi Grétry »

. Le vieil abbé Delille, « le Virgile français », flatté de l’intérêt d’une jeune femme, lui récita complaisamment des vers et la pria de se mettre au piano. En revanche, Antoine-Vincent Arnault,thuriféraire de l’Empereur, lui déplut. Pour fêter le retour de Napoléon après Austerlitz, Arnault avait composé à la hâte une incroyable flagornerie
intitulée Le Retour de Trajan, jamais représentée mais lue dans les salons, et sur
laquelle il demanda l’avis de Mme de Chastenay :

« Nous ne pouvions en croire nos oreilles, et je ne m’explique pas encore cette monstrueuse production. […] Je me tirai heureusement d’embarras par une prompte retraite, mais j’eus besoin de rire tout le soir ! »

. Elle n’a du reste pas grande estime pour une littérature de commande, faite pour plaire au maître :

« Ce fut pour Bonaparte une fantaisie impossible à satisfaire que celle de créer un siècle littéraire. Toute production devait servir de cadre à l’apothéose d’un nom, à la paraphrase d’une maxime. Il y avait, d’ailleurs, mille sujets interdits même à la pensée . Le jeune Charles Brifaut en sut quelque chose, qui vit, malgré l’avis de Talma, sa tragédie de JaneGrey rejetée sans discussion par l’Empereur, parce que, trancha-t-il, ce sujet « était de ceux qu’on ne devait pas encore produire sur la scène »

et Raynouard subit le même sort pour ses États de Blois, interdit par Napoléon avec cette sentence :

« On ne fait pas assassiner le duc de Guise ; on nomme une commission et on le fait pendre. »

Elle se lia surtout avec le fragile et discret Joseph Joubert, avec qui elle entretint une amicale correspondance et dont la touchaient la bonté et délicatesse:

« J’ai dit de M. Joubert qu’en lui tout était âme, qui semblait n’avoir rencontré un
corps que par hasard, en ressortait de tous côtés et ne s’en arrangeait qu’à peu
près » .

Jolie formule que Chateaubriand retint et consigna dans ses Mémoires d’Outre-Tombe. Ses rapports avec l’Enchanteur demeurèrent cependant assez tièdes, en dépit de ses avances. Elle l’avait entrevu deux ou trois fois mais ne fit vraiment sa connaissance que chez une dame qui présentaVictorine comme un auteur :


« Je crois que sur ce mot il me prit en grippe, et moije me promis de garder le silence. »

Comme il fallait bien tout de même engager la conversation à table, « je hasardai de dire combien René m’avait inspiré d’intérêt.“René, reprit M. de Chateaubriand, c’est un véritable imbécile”. Tout fut fini, et à peine hors de table, l’auteur de René avait fui la maison »

. Elle le rencontra encore après le pèlerinage de l’écrivain à Jérusalem, se promettant bien, cette fois,de ne pas s’occuper de lui, mais Chateaubriand, de meilleure humeur, consentit à raconter son voyage :

« Il parlait avec feu, avec simplicité. On reconnaissait en lui une bonhomie charmante, une franche gaieté et, on peut bien le dire, le plusbrillant esprit » .

Comme elle avait su écouter et se taire, Chateaubriand consentit à la juger aimable et elle le retrouva à plusieurs reprises dans la Vallée au-Loup, en compagnie de Joubert, où il lui montra une bouteille contenant l’eau du Nil et une autre celle du Jourdain et quelques pierres ramassées à Athènes.

L’Empereur le voulant à l’Institut, Chateaubriand fit les démarches nécessaires et
raconta à ce sujet à Mme de Chastenay une plaisante anecdote :Lorsqu’il faisait les visites d’usage aux membres de l’Institut qui devaient lui donner leurs voix, par suite d’un ordre supérieur, il était arrivé chez l’abbé Morellet. Ce vieillard tenait un livre et s’était endormi ; réveillé en sursaut quand M. de Chateaubriand se présenta, il laissa tomber son livre en criant : « Il y a des longueurs ! » et ce livre était précisément Le Génie du christianisme …

En dépit de ses efforts, elle ne réussit jamais à l’attirer vraiment chez elle, ce
qu’elle met sur le compte de sa propre conversation, « toujours un peu sérieuse,
généralement raisonnable et le plus souvent sans aucun trait » qui manquait de ce
qui pouvait « captiver une imagination ardente et avide d’idées ». Il vint pourtant
quelquefois, mais ce fut pour l’entendre jouer au piano, accompagnée par le
violoniste Baillot. Deux billets déclinent d’ailleurs, courtoisement mais
résolument, d’autres invitations. Sans doute Victorine en conçut-elle quelque dépit
et elle l’accusera plus tard d’avoir introduit dans la littérature « une coupable
anarchie » et, girouette en politique, d’avoir été « « le mauvais génie de tous les
gouvernements, qui a vendu son ombre par amour des gros sous ».

Mme de Chastenay accueillit avec joie la fin d’un règne qui avait saigné la France à
blanc pour la gloire et l’ambition d’un homme. Orléaniste depuis sa jeunesse, elle
est pourtant heureuse du retour des Bourbons et de la monarchie. Ses Mémoires
s’achèvent sur ces mots :

« Ah ! si jamais fut vérifié le mot adressé par M. Bailly au roi Louis XVI, ce fut dans
l’événement tant de fois béni de ce retour : “Henri IV avait conquis son peuple, ce
jour-là le peuple avait reconquis son roi. »

Les Mémoires de Mme de Chastenay furent publiés par Alphonse
Roserot, beau-fils de Gustave Lapérouse, ancien sous-préfet de Langres, luimême
fils d’Alexandre Lapérouse, exécuteur testamentaire de Victorine.

Parmi lesmémorialistes de son temps, Mme de Chastenay est l’un des plus ingénus mais aussides plus sincères.

Du XVIIIe siècle, elle a l’urbanité, la modération dans le propos,la politesse dans l’écriture. Elle est aussi un lucide observateur des événements etapporte un témoignage non négligeable sur les effets de la Révolution en province,en Normandie et en Bourgogne. Elle sait l’art du portrait, du trait qui fixe uncaractère et une personnalité, la manière légère et pittoresque de rendre l’atmosphère d’une soirée aux Tuileries ou à la Malmaison.









Publié dans bonaparte, fut, mme, toujours, victorine

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