Publié le 12 Février 2025
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VOYONS MAINTENANT LES RAPPORTS ULTÉRIEURS ENTRE BERNARD ET CHÂTILLON,
Car Bernard, bien qu’abbé de Clairvaux, va continuer à s’intéresser à ce qui se passe à Châtillon.D’abord, il va aider la Maison-Dieu ou hôpital Saint-Germain, qui accueillait les pèlerins, car Châtillon se trouvait sur une route secondaire allant à Saint-Jacques-de-Compostelle.
On a un premier texte, de 1129, où saint Bernard intervint concernant le domaine de Val-de-Nuit (commune de Riel).
En 1136, l’évêque Guillenc (ou Vilain d’Aigremont-évêque de 1126 à 1136) notifie les donations faites à la Maison-Dieu « par la main de Bernard, abbé de Clairvaux, et Gérard, et Godefroy, prieur ». Guy de Bailo donne les tierces du Val-de-Nuits avec l’accord de sa mère et de ses sœurs. De même, Tecelin, chevalier de Pothières, et sa sœur donnent les dîmes de val-de-Nuits.
Voici ce qui reste du Val-de-Nuits :
Et ensuite, il va surveiller les chanoines de Saint Vorles, ses anciens professeurs.
En 1073 avait été élu comme pape Grégoire VII qui résolut de réformer l’Eglise : c’est qu’on appelle la réforme grégorienne. Et Bernard participa à cet esprit de réforme, qui toucha aussi les chanoines.
Qui étaient les chanoines, de façon générale ?
Il existait trois sortes de communautés d’hommes : les chanoines de l’église cathédrale ; les chanoines vivant en communauté ; et les moines.
Les moines sont « morts pour le monde », mais les chanoines n’étaient pas astreints à la pauvreté ; ils devaient simplement observer la vie commune (dortoir et réfectoire).
Mais, au milieu du XIe siècle, on va assister à une partition entre, d’un côté, les chanoines séculiers qui vivent en commun, mais en gardant leur patrimoine et, de l’autre, les chanoines réguliers, qui pratiquent une vie monastique plus rigoureuse.
Bernard va aider à se réformer plusieurs communautés de chanoines et, en particulier, ceux de Châtillon.
Comme les chanoines vivaient en ville, Bernard ne les poussa pas à devenir moines (contrairement à Longuay, par exemple), mais il les poussa à se transformer en chanoines réguliers, et à suivre la règle d’Arrouaise, une abbaye fondée au sud-est de Bapaume (Pas de Calais), et qui avait été réformée par l’abbé Gervais (abbé de 1121 à 1147), un ami de Bernard.
Ces chanoines suivaient la règle de saint Augustin (354-430), évêque d’Hippone, dérivant de plusieurs de ses écrits (dont une lettre de saint Augustin, n° 211), destinée à régler la vie d’une communauté religieuse, mais modifiée par Gervais.
Arrouaise devint chef d’ordre et donna naissance à la Congrégation d’Arrouaise
L’abbaye Notre Dame de Châtillon devint la 16e fille d’Arrouaise.
Le premier abbé régulier à Châtillon fut Aldouin.
C’est à lui que le pape Innocent II, adressa un diplôme, en 1138, qui confirmait le changement advenu aux chanoines, et le pape rappela la participation de Bernard et de son parent, l’évêque de Langres, Guillenc d’Aigremont, pour cette régularisation.
A Aldouin, succéda un nouvel abbé, Baudoin, qui était un ami de Bernard.
Bernard lui écrivit une lettre pour le rassurer (lettre 401) :
« Puisque vous appréhendez tant de m'avoir offensé, j'en conclus que vous m'aimez beaucoup; mais laissez toutes ces appréhensions et réjouissez-vous, ce que vous craigniez n'est point arrivé… ».
Et, plus tard, Bernard remplaça même l’abbé Baudouin lorsque ce dernier partit à Rome (lettre 279, écrite au comte de Champagne, Henri) :
« Le pieux abbé de Châtillon m’a établi gardien, après Dieu, de tous ses biens, en partant pour Rome ; or il est arrivé que des gens de Beaufort( situé sur la Voire, qui se jette dans l’Aube au-dessous de Clairvaux et de Bar-sur-Aube) au service d’un certain Simon ont volé un troupeau de porcs qui lui appartiennent ; j’aurais préféré, je l’avoue, qu’ils eussent pris les nôtres.
Je vous prie de les lui faire rendre … »
On voit aussi Bernard, en 1147, intervenir pour trouver un accord entre l’abbé Baudoin et le prieur de Colombey-les-Deux-Eglises.
Bernard également intervint dans une contestation concernant le village de Chaume, donné à l’abbaye par l’un de ses cousins, Hugues de Grancey, mais la donation était contestée par le fils.
Pour ces chanoines, devenus réguliers, Bernard dut les pousser à construire une nouvelle abbaye.
Elle fut construite à l’extérieur de la ville, mais pas très loin d’une porte de Châtillon (ce fut peut-être l’occasion de s’éloigner de la tutelle de l’évêque par ce déménagement).
On ne sait sur quelles terres la nouvelle abbaye fut fondée ; on peut supposer que l’évêque de Langres donna le terrain, car il possédait les terres environnantes ; pour le financement, ce fut peut-être le comte de Champagne (Thibaut II le Grand, un ami de saint Bernard) et les ducs de Bourgogne (plus tard ?).
Mais on n’a aucun renseignement.
D’abord, comme les abbayes cisterciennes, elle sera sous la protection de la Vierge : ce sera l’abbaye Notre Dame (l'abbaye de Molesme était aussi placée sous l’invocation de la Vierge).
La Vierge était le modèle de la vie monastique.
Ensuite, concernant le plan de l’église :
Dans « le Petit Exorde » (histoire des débuts de Cîteaux -des parties ont été mises par écrit entre 1112 et 1119), on parle des cérémonies, des ornements de l’autel qui doivent être simples ; seule indication dans l’Exorde :
« on ne doit construire aucun monastère dans les villes, les bourgs et les domaines ruraux ».
Ensuite, Etienne Harding, en collaboration avec les quatre abbés des premières filles et ses moines, rédige le texte constitutionnel fondamental de l’Ordre de Cîteaux, la charte de charité (Carta Caritatis), qui officialise l'Ordre Cistercien et approuvée par le pape le 23 décembre 1119.
On exige l’unité de la vie monastique qui doit être la même dans toutes les abbayes, mais on ne se préoccupe guère des bâtiments, simplement il n'y a pas de clocher de pierre sur l’église.
En 1135, lors du chapitre général, et sous l'influence de Bernard, on sera très directif sur les contraintes architecturales.
On doit respecter le carré monastique et Bernard définit les bâtiments nécessaires pour servir Dieu selon la Règle : l'oratoire, le réfectoire, le dortoir, l'hôtellerie et la porterie, mais il n’y a rien concernant un plan précis d’église.
Cependant, au début du XIIIe siècle, l’architecte Villard de Honnecourt ((1200-1266- période d’activité : 1211-1250), dans ses carnets, fait un dessin d’une église cistercienne en indiquant :
« voici une église construite d’équerre, faite de carrés ».
C’est ce qui a frappé Villard de Honnecourt.
plan Villard de Honnecourt :
Mais où a-t-il trouvé le modèle de son dessin ?
D’où vient ce plan dit « cistercien » ?
Dans les premiers temps, les moines construisirent leur abbaye sous la direction d’un architecte, lui-même moine ou convers ; et ils la construisaient à l’image de l’abbaye mère d’où ils venaient.
Clairvaux possède au temps de saint Bernard deux architectes de grande réputation ; Achard, qui dirigea la reconstruction de l’abbaye vers 1133/1135, et Geoffroy d’Aignay ; de plus, Bernard louera aussi son frère, Gérard, pour sa compétence d’architecte.
Mais, ce qui étonne, c’est la quasi-simultanéité d’édifications, car les abbayes, dans les années 1135-1145, sont construites sur le même plan architectural.
On a parlé dans les années 1990 d’un « plan bernardin » (pour les abbayes faites du vivant de saint Bernard), qui insiste sur un chœur à chevet plat de plan rectangulaire, une série de chapelles alignées sur le transept (et, extérieurement, prises dans un mur droit) et les grandes arcades en berceau brisé.
Plus récemment, Philippe Plagnieux a reparlé du « chevet bernardin » ; il a émis l’idée que ce plan-type pourrait très bien avoir été élaboré préalablement à Fontenay.
Maintenant,comparons l’église de l’abbaye Notre Dame de Châtillon, abbaye de chanoines, avec des églises des abbayes cisterciennes construites du temps de saint Bernard :
plan de Clairvaux II :
Il y a Clairvaux II (construit à partir de 1135-1145).
Les historiens d’architecture cistercienne ont émis l’hypothèse que l’église avait un petit chevet carré et peu profond avec deux chapelles de chaque côté accrochées au chœur
(Mais une nef voûtée en berceau).
plan de La Ferté :
Abbaye fondée en 1113
Comparons maintenant Fontenay- église-témoin ?- (début de construction : 1139/ fin : 1147) et Châtillon
comparaison plan Fontenay et de Notre Dame de Châtillon :
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Voici le chevet « bernardin » en question :
Fontenay :
Châtillon :
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Les voûtes sont en berceau brisé :
Fontenay :
Châtillon :
Autres comparaisons : - la porte d’entrée ; les vantaux et les pentures :
Châtillon :
Pontigny :
Mais, il y a une différence existant entre l’abbaye Notre Dame et une abbaye cistercienne:
A Châtillon, il y a un clocher en pierre, il n'ya pas de bâtiment pour les convers et pas de scriptorium
(Il existe à Châtillon une autre église qui a les mêmes caractéristiques : l’église Saint Nicolas, chapelle de la Maison-Dieu Saint Germain, mais le chevet a été démoli et remplacé par du gothique flamboyant)
POUR TERMINER : SAINT BERNARD A CHÂTILLON AUJOURD’HUI
Les Feuillants :
saint Bernard, statue en bois, XVIIe siècle :
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les Feuillants :
Ce sont les membres d'un ordre monastique bernardin de la règle de Cîteaux issu de l'ordre des Cistercien.
L'ordre tenait son nom de l'abbaye cistercienne de Notre-Dame de Feuillant dans l'ancien diocèse de Rieux près deToulouse (Haute Garonne).
Cette abbaye passe en 1562 aux mains de Jean de la Barrière lequel, devenu abbé en 1577, entreprend de restaurer l'ancienne observance.
D'autres maisons adoptent sa réforme.
En 1595, le Pape approuve les Constitutions de Jean de la Barrière. Les Feuillants vont, en 1614, racheter Fontaine (château natal) et, en 1621, la maison de Tescelin à Châtillon et y fonder un couvent.
Les reliques :
Planay : vocable : saint Laurent ; buste reliquaire, fin XVIIe/début XVIIIe siècle
Riel-les-Eaux : vocable : saint Bernard ; buste reliquaire, XIVe siècle
Châtillon ; le Ier août 1633, le curé de Riel donna une « esquille » du chef de saint Bernard, dont il possédait une grande partie du chef ; mais, disparut à la Révolution, probablement.
Le dimanche 8 octobre 2018, eut lieu l'entrée solennelle des reliques de saint Bernard (données par l’archevêque de Dijon) dans l'église Saint-Vorles..
Les reliques à Châtillon :
Une randonnée a été créée, sur lmes pas de Bernard, elle se nomme la "Randonnée Saint Bernard de Clairvaux"
Voici la carte de cette randonnée :
EN CONCLUSION :
Saint Bernard de Clairvaux représenté sur un vitrail de l'église saint Nicolas :
Saint Bernard, décédé le 20 août 1153, a été canonisé le 18 janvier 1174. Déclaré docteur de l’Eglise en 1830.
On a dit qu’il avait façonné le XIIe siècle ; et il a été une référence au cours des âges.
Dans la « Divine Comédie » de Dante,le pèlerin Dante est accompagné de trois guides : Virgile ; puis Béatrice ;et c'est saint Bernard qui devient le dernier guide de Dante.
Le saint adresse une prière à la Sainte Vierge et finalement Dante reçoit la révélation suprême de Dieu, l'« Amour qui meut le ciel et les étoiles ».
- Panégyrique de Bossuet (discours à la gloire de quelqu’un) ; XVIIe siècle
Au soir de sa vie, le général de Gaulle, à la Boisserie, s’interrogea devant André Malraux : « Saint Bernard était assurément un colosse ; était-il un homme de cœur ? » (cité par Pierre Aubé)